Figure météorique de la scène artistique parisienne des années 1950, Bernard Réquichot est enfin mis à l’honneur au Centre Pompidou. Un itinéraire artistique d’une exceptionnelle intensité !
Peuplée de Reliquaires, de Traces graphiques et de Papiers choisis, l’œuvre de Bernard Réquichot (1929-1961) fait fi des catégories trop bien établies pour dessiner une trajectoire fulgurante entre art informel, abstraction lyrique et surréalisme. Figure météorique de la scène artistique parisienne des années 1950, l’artiste et écrivain a développé en moins de dix années un registre singulier où la matière n’est requise que pour exprimer une intériorité, à la fois inquiète et profondément exigeante. Car de 1954, date à laquelle il commence à exposer, à son suicide en 1961 à l’âge de 32 ans, l’artiste ne s’inscrivant dans aucun style ni aucun mouvement, ne cessa d’expérimenter. Sa mort interrompt alors brutalement une production d’une exceptionnelle intensité qui inspire, en 1973, à l’écrivain et sémiologue Roland Barthes un essai déterminant pour sa postérité. Prolixe, Réquichot ne garda qu’une infime partie de sa production et exposa avec difficulté, considérant que la peinture est une chose secrète qu’on ne montre qu’aux amis. Prodigieusement inventif, il diversifia sa pratique de peintre en l’élargissant au dessin et au collage, où il continua à faire preuve d’une saisissante originalité.
D’abord adepte d’un style cubisant, inspiré par sa brève proximité avec le peintre Jacques Villon, il s’en détourne dès 1955 au profit d’une abstraction puissamment gestuelle et matiériste qui puise son inspiration dans l’observation de la nature. Malaxée au couteau, la matière donne alors naissance à d’inextricables enchevêtrements végétaux et par éclats, ondes et déchirures, son œuvre triture alors la peinture dans une fièvre de création qui va crescendo. Entre recherches et expériences, son art s’institue ainsi comme un mode de connaissance indissociable d’un examen des mécanismes mentaux. Saturés, ajourés ou découpés, les supports sont mis à mal et se recouvrent d’épais et mystérieux reliefs, fondés autour d’agglomérats de peinture déposés en gouttes, flaques et coulures. La matière picturale se fait dense, intense, et s’épanouit dans un rapport dominant de rouge et de bleu sur d’étranges reliquaires, grandes boîtes colorées élaborées autour de débris, d’ossements et de terre, dont les références à la vie organique sont évidentes. Partout, le motif de la spirale, symbole de l’infini auquel l’artiste ne cesse d’aspirer, forme une obsession fondamentale qui se propage en d’inépuisables proliférations. Formant la trame cardinale de ses nombreux dessins, il trouve également sa traduction en sculpture sous la forme d’agrégats d’anneaux en polystyrène. Inspiré par Henri Michaux, Réquichot s’adonne à une graphie tourmentée, soit une écriture illisible vécue comme prolongement de ses dessins spiralés. Sa mort prématurée, la veille de sa deuxième exposition à la galerie Daniel Cordier, met fin à une vertigineuse production marquée par l’urgence, ce que l’une de ses œuvres aux accents tragiques nomme La Guerre des nerfs.
« Bernard Réquichot – Je n’ai jamais commencé à peindre », du 3 avril au 2 septembre 2024 au Centre Georges Pompidou