Le Nouveau Musée National de Monaco aborde l’influence de la peinture sur le cinéma de Pier Paolo Pasolini et présente les œuvres d’artistes contemporains rendant hommage au grand Italien. Rencontre avec son commissaire.
Après Fassbinder et Genet vous vous intéressez cette fois à Pasolini. Pourquoi ce choix ?
Si le NMNM a pour vocation de mettre en avant les grandes figures de la Méditerranée, Pasolini recoupe en effet un intérêt que j’ai pour les artistes radicaux au sujet desquels j’ai déjà écrit une série d’essais biographiques. Après avoir écrit sur Jean Genet (Genet à Tanger), écrivain qui avait fait un peu de cinéma, puis sur Rainer Werner Fassbinder ( Fassbinder, clap de fin), cinéaste qui avait un peu écrit, je souhaitais clore cette trilogie avec Pasolini, lequel avait vraiment opéré la synthèse entre ces deux arts de manière équilibrée. Poète, écrivain et polémiste, c’est en tant que cinéaste qu’il a touché́ le grand public. Ce fut un artiste accompli qui aimait rassembler les contraires tout comme un intellectuel, notamment sur l’avènement de la société́ consumériste.
Un demi-siècle après sa mort, son influence s’exerce-t-elle toujours autant parmi les créateurs d’aujourd’hui ?
Oui, car l’approche artistique totalisante de Pasolini n’empêche pas la profonde unité́ de son œuvre. À une époque où l’art est devenu édifiant, inclusif, écologique… tout ce que l’on veut, Pasolini demeure une figure rugueuse et intempestive qui, par sa très grande liberté de penser, rayonne dans une sorte d’exemplarité. Pour les artistes contemporains présentés dans l’exposition, Pasolini reste une référence : tous, d’une certaine manière, prolongent les goûts du réalisateur italien dans une virtuosité tenue éloignée de toute pensée conceptuelle. Un sens baroque imprègne en effet les réalisations de Jean-Luc Verna, Ernest Pignon-Ernest, Giuseppe Stampone ou Marlène Dumas.
Le terme de « clair-obscur » du titre de l’exposition évoque la peinture du Caravage …
C’est grâce à Roberto Longhi, son maître, que Pasolini découvre les artistes de la Renaissance italienne puis, quelques années plus tard, le Caravage, lequel n’est pas alors aussi célèbre et apprécié́ qu’il ne l’est aujourd’hui. Pasolini n’en est pas moins fasciné par sa vie et son œuvre toutes deux scandaleuses. Ses deux premiers films, Accattone (1961) et Mamma Roma (1962), filmés en noir et blanc très contrasté, prolongent ainsi son esthétique du clair-obscur.
L’exposition réunit pour cette raison des œuvres du XVIème siècle à nos jours…
Elle se déploie en deux actes. L’un classique, l’autre contemporain. Dans la première partie, il est en effet question de l’influence de la peinture classique sur l’esthétique déployée dans le cinéma par Pasolini, laquelle prend forme de différentes manières : les tableaux peuvent ainsi directement peupler les décors à l’instar des toiles de Giacomo Balla présentes dans Salo, mais aussi être reproduites sous forme de « tableaux vivants » à l’exemple de La déposition de Pontormo dans La Ricotta. La juxtaposition libre d’extraits de films de Pasolini et des œuvres qui les ont inspirés souligne également une reprise de leur composition ou de certains détails frappants. Car en s’inspirant des artistes du passé pour composer les plans de ses films, Pasolini prouve que l’art se nourrit de l’art au moins autant que de la réalité́.
Pasolini en clair-obscur
Jusqu’au 29 septembre.
NMNM – Villa Sauber
17, avenue Princesse Grace, 98000 Monaco