Pour sa nouvelle exposition au titre cyberpunk (((Interférences_s))), le Centre Wallonie Bruxelles expose un ensemble d’oeuvres sonores et visuelles, révélant la place croissante du son dans l’art contemporain.
Chaque nouvelle exposition du Centre Wallonie Bruxelles à Paris offre une exploration dès plus exigeante des formes artistiques expérimentales contemporaines. Cet été, le centre culturel met ainsi en avant 13 artistes visuels explorateurs de sons. Pour certains, la notion de recyclage est primordiale. Ils récupèrent, se réapproprient des objets pour créer leurs oeuvres aux formes caractéristiques de notre époque. Tel est le cas de Thomas Teurlai. L’artiste transforme une machine à laver en sculpture mobile post-capitaliste projetant un film dont elle est la matière même. A chaque programme de lavage sa projection hallucinatoire. Charlie Aubry récupère les matériaux de l’exposition précédente du CWB, devenus déchets, pour construire la structure de son installation. Il y agrège ensuite des éléments multiples, protéiformes, pour créer un monde miniature capable de capter les ondes magnétiques pour les transformer en son et ainsi les rendre audibles, et donc visibles. Car ce qui est invisible n’existe pas, affirmait l’incrédule Saint Thomas. Ailleurs en hauteur, Charlotte Simonnet récupère des sirènes d’alerte à la population pour diffuser les sons de la lave se solidifiant, tel Werner herzoz « Au coeur des volcans« . Felix Blume lui, ne récupère pas des objets mais sa propre matière extraite de son activité d’ingénieur son. Ses actions de captations sonores, filmées, deviennent des scènes burlesques durant lesquelles on le voit courir après une boite de conserve dans le désert, suivre le passage de voitures sur une route de compagne, une tortue munie d’un micro, ou un vélo, assis à l’envers à l’arrière d’un autre deux-roues.
Les créations exposées révèlent les machines, les mécaniques, les structures, l’envers du décor. Elles mettent à jour les viscères de la société. Stéphanie Pécourt, directrice des lieux et commissaire du festival (l’exposition s’accompagne d’un programme de performances) aime à donner une image percutante de cette exposition : celle du charognard se nourrissant des corps en putréfaction (machines à laver, sirènes d’alertes, déchets en bois, câbles, appareils électronique), les déchiquetant pour en révéler les entrailles. Et justement, l’installation de Clarice Calvo-Pinsolle expose un écosystème organique hybride de verre, d’eau et de sons qui transportent, connectent et nous reconnectent. Car les sons qui nous enveloppent seraient utilisés lors de thérapies post-traumatiques pour réactiver des souvenirs. D’autres oeuvres habitent le corps physique du Centre. La pendule de Virgile Abela interagit avec l’espace pour osciller et émettre des sons. Son mouvement autonome oblige à danser autour d’elle. Des sonorités subtiles émanent des délicates sculptures de verre de Julie Krakowski, êtres de verre longilignes, assemblages suspendus de matériaux.
L’art sonore a eu du mal à se frayer une place de choix dans les expositions d’art contemporain. Sans doute parce qu’un élément visuel semble encore aujourd’hui nécessaire pour qu’une oeuvre soit comprise, attirante ou attractive. Peut-être parce que sa forme ne répond pas aux attentes d’un marché de l’art en quête d’objets. Ou parce que les origines de l’art sonore ne sont pas à puiser dans l’histoire des arts visuels mais celle de la musique notamment concrète. Heureusement, l’art sonore voit son statut évoluer. Les artistes qui s’en emparent intègrent des galeries de renom, tel Tarek Atoui et la galerie Chantal Crousel, tandis que l’excellent Institut d’art contemporain de Villeurbanne lui consacrait en début d’année une exposition personnelle. Le Pavillon Luxembourgeois à la Biennale de Venise cet été explore les potentialités du son à travers l’installation sonore A Comparative Dialogue Act d’Andrea Mancini et Every Island. La bioacoustique, en lien avec l’intérêt grandissant pour la biodiversité et l’écologie, s’expose à la Fondation Cartier (Le grand orchestre des animaux en 2017) et à la Philharmonie de Paris (Musicanimale en 2022-23), notamment grâce à la figure emblématique de Bernie Krause. Le Centre Wallonie se fait l’échos de ce pan passionnant de la création contemporaine.
(((Interférences_s))) au Centre Wallonie Bruxelles, Paris, jusqu’au 17 août