Louis Vendel n’a pas trente ans, mais il a déjà lancé une collection littéraire passionnante, La Lettre Zola, et vient de signer un premier roman très émouvant Solal ou la chute des corps ( éditions du Seuil). Dans chacun de ses projets, on retrouve cette idée d’une littérature au plus près de l’expérience humaine. Il nous le raconte. 

Vous avez signé cet hiver votre premier roman, Solal ou la chute des corps, un récit à la fois clinique et d’une grande sincérité sur la destinée de votre ami bipolaire, et la lutte qu’il a menée, à vos côtés notamment, pour s’en sortir. Comment est née l’idée d’écrire ce roman vrai ? 

Cette question est souvent revenue lors de rencontres littéraires – j’ai l’impression d’être un peu jeune pour radoter mais je n’ai qu’une réponse floue à y apporter : cette idée m’est apparue de manière étrange, une nuit, alors que Solal avait déjà entrepris son tour du monde à pied. À 3h41 du matin, je me suis redressé dans mon lit, et j’ai su. Je lui ai écrit « Est-ce que tu es chaud que j’écrive un livre sur toi ? » Il était chaud. C’est une drôle d’épiphanie que j’ai encore du mal à expliquer. J’ai toujours la trace de ce texto pour me le rappeler.

Ce rapport au réel est-il déterminant pour votre manière d’écrire, vous engagez-vous dans l’idée d’une littérature au plus proche du réel ? 

La littérature du réel est au cœur de mes projets d’édition depuis plusieurs années. Je crois que cette forme d’obsession pour le réel vient de ce que j’ai d’abord créé un média journalistique, il y a sept ans, avant de m’orienter vers les maisons d’édition plutôt que vers les structures de presse. Pourtant, je n’ai pas d’aversion pour la fiction, bien au contraire : je suis très heureux d’avoir pu, avec ce livre, mettre en application mon souhait de dire le « vrai » à travers un langage littéraire ; mais je crois que mon prochain livre sera un pur roman, une fiction, et non un « roman-vrai ».

 Dans cette idée, quels sont les auteurs qui vous ont influencé ou ouvert la voie ? 

J’ai la chance d’avoir travaillé avec des figures françaises de cette forme d’écriture, comme Florence Aubenas, et d’être ami avec Mathieu Palain, dont le livre Ne t’arrête pas de courir a constitué une forme de source d’inspiration. Yoga, d’Emmanuel Carrère, a également été un texte important dans mon aventure littéraire, non seulement dans sa forme narrative, mais également dans le fond, puisqu’il y raconte son propre trouble bipolaire – trouble dont souffre le héros de mon roman, mon ami, Solal. La « narrative non fiction » à l’anglo-saxonne – je pense en particulier à De sang froid, de Truman Capote, une de mes premières claques littéraires –  est aussi pour moi un terrain d’exploration depuis plusieurs années.

D’autre part, vous avez lancé la Lettre Zola qui elle aussi se fonde sur l’idée d’une littérature du réel, n’est-ce pas ? 

Solal ou la chute des corps est en quelque sorte ma propre interprétation de la ligne éditoriale de mon projet Lettre Zola. Car cette publication mensuelle par abonnement fait appel à de jeunes auteurs pour raconter la société française sous forme d’histoires vraies. L’entreprise individuelle que constitue mon livre est donc intimement liée à cette aventure collective.

 Plusieurs auteurs ont déjà signé, dont Mathieu Palain, Blandine Rinkel,  Arthur Dreyfus…Comment choisissez-vous vos contributeurs ? 

Le souhait de Lettre Zola était de faire appel aux jeunes talents de la littérature française. D’abord pour donner à découvrir des plumes que l’on attend pas forcément à voir écrire sur le réel, créer ainsi une sorte de vent de fraîcheur assez impalpable, mais aussi permettre la diffusion d’un point de vue générationnel sur les grandes questions de notre temps. C’est un peu froid dit comme ça, mais l’âge est donc un critère de sélection (bien que nous n’exigions pas la carte d’identité des auteurs !). Le style et l’écriture sont ensuite les points les plus déterminants, car nous voulons que nos lecteurs puissent se plonger dans ces histoires avec le même plaisir qu’ils pourraient avoir à lire un roman. Ce qui était aussi mon ambition dans mon livre.