Behind the line, spectacle de la chorégraphe Anne Nguyen, interprété par des enfants venus du Bénin et des danseurs issus de la diaspora africaine nous frappe par sa force et sa profondeur. A découvrir ce weekend au Carreau du Temple.
C’est un spectacle qui nous mène au plus essentiel de la danse. Huit danseurs, quatre adultes et quatre enfants se présentent dans la grande Halle du Carreau du Temple. Nous sommes en quadri-frontal le plateau est nu ou presque : quelques lignes le traversent, qui prennent peu à peu sens. Pendant près d’une heure, les danseurs vont nous plonger au coeur de la danse africaine, et de son héritage urbain. Et ce dans une œuvre à tout instant d’une beauté saisissante. Ils dansent parmi les lignes blanches au sol, qui nous annoncent les JO à venir, et la passion de la compétition qui viendra s’emparer de la ville. Mais ils sont bien au-delà, car, par l’histoire qu’ils nous racontent, ils se tiennent Behind the line, derrière la ligne de marche.
Mais reprenons à l’origine : la chorégraphe Anne Nguyen, bien connue des amateurs de hip-hop et de danse contemporaine pour le travail qu’elle mène depuis vingt ans au sein de sa compagnie Par Terre, réunit au plateau quatre danseurs professionnels, issus de la diaspora africaine, et quatre enfants venus du Bénin, d’un village traditionnel Idaatcha, situé dans la région des Collines. Les huit danseurs ont en commun d’avoir été baignés dès leur plus jeune âge, dans la danse traditionnelle africaine. Comme nous le raconte le danseur Mark-Wilfried Kouadio après le spectacle ; il a appris très jeune, auprès de ses parents, les danses ivoiriennes consacrées aux rites sociaux, qu’ils s’agissent de noces, d’enterrement ou d’autres moments forts de la communauté. Ces chorégraphies ont des codes bien précis qui se retrouvent dans chaque pays d’Afrique ; l’essentiel étant de transcender la danse, et de lui confier une dimension spirituelle. Lorsqu’il nous parle, Sylvestre Otta à ses côtés, coordinateur des enfants béninois, acquiesce, et nous offre une démonstration de la danse des agriculteurs, dont les gestes se retrouvent dans différents pays d’Afrique, mais qui n’est pas sans rappeler aussi les mouvements du krump. Pour raconter cette histoire secrète de la danse afro, le compositeur Malik Djoudi offre une musique qui emprunte à l’Afrique, autant qu’à l’electro. Nous voilà donc dans une fusion, qu’adultes et enfants vont porter avec une expressivité rare dans un jeu de confrontation que les lignes au sol, qui apparaissent au fil du spectacle, vont déterminer. Ils alternent moments de groupe, de face-à-face sans jamais se perdre un instant de vue. Pour citer un moment, lorsque deux danseurs dansent dos contre dos, avec une virtuosité frappante. Les enfants, impliqués de bout en bout, se reflètent dans les gestes des adultes, ou les réinventent par le jeu qu’ils instaurent autour d’eux. Aussi légers que les adultes sont ancrés au plateau, les trois garçons et la jeune fille semblent mener un jeu très sérieux, qu’ils maîtrisent absolument.
Car d’emblée, la cohésion du groupe frappe : pas un instant, ils ne se perdent de vue. Et le leitmotiv des bras levés qui ponctuent le spectacle, semble bien plus un geste d’unité, que de combat. Même sentiment de fluidité dans la structure : les danses traditionnelles et urbaines ne se succèdent pas, mais s’entremêlent dans une homogénéité qui porte le groupe. Ainsi les moments très expressifs, qui frôlent l’incantation, de certaines danses traditionnelles, répondent à l’aspect grimaçant et iconique du krump, que l’on commence à bien connaître tant il s’est imposé sur les scènes françaises ces dernières années. Bref, ce spectacle nous rappelle qu’il y a à l’origine de ces danses qui nous passionnent aujourd’hui, pour leur esthétique et une technicité, un lieu spirituel originaire qu’il ne faut jamais oublier.
Behind the line, spectacle de Malik Djoudi, Anne Nguyen, Joris Avodo, à découvrir au Carreau du Temple, les samedi 22 et dimanche 23 juin.