Monica Serra fut la muse de Tom Wesselmann dans la dernière partie de sa vie. Leur amitié féconda des œuvres où la légendaire ligne du pop art se mue en graphisme sensuel et intime.

De petite taille, cheveux très noirs, yeux bleus foncés virant parfois à l’ébène lorsque sa voix file avec  justesse pour se concentrer sur le souvenir précieux de ces longues poses en compagnie du maître du pop art. Monica Serra se tient debout dans la galerie Almine Rech au milieu de ses portraits dessinés. Voici sa silhouette déclinée par l’artiste : coupe au carré, sourcils parfaitement tracés et lèvres rouges sur un corps nu lascif, le plus souvent allongé ou assis. La touche Wesselman est reconnaissable. D’un érotisme percurtant et élégant. Le corps féminin est devenu avec lui l’icône du pop art immergé dans des compositions au cadrage osé, savant mélange aux couleurs jouissives entre le souvenir de Matisse et de Magritte sur fond de way of life à l’américaine, chantre de l’immédiateté des plaisirs. Mais les œuvres de cette exposition sont plus épurées, plus graphiques, plus délayées aussi. Le physique menu et dynamique de Monica a incité l’artiste à expérimenter d’autres manières de représenter son modèle nu. A partir des années 1980, il met au point une technique de dessin sculptural, voire ornemental, où la ligne en acier découpé au laser court à même le mur. Les contours du corps se prolongent ainsi jusque dans l’arrière-plan de la composition, sans interruption, comme si l’artiste avait dessiné l’ensemble d’un seul trait, sans s’arrêter. Il y a par endroit des airs de volutes Art Nouveau. Vif, moderne, le tracé entremêle premier et second plan dans un arrangement où les inspirations matissiennes et cubistes s’émancipent vers une ligne plus abstraite . « Il était très connu mais il a été immédiatement très sympathique avec moi, il a commencé par faire mon portrait puis m’a proposé de devenir modèle pour ses nus. Et nous sommes devenus très amis. J’étais chanteuse et il adorait la musique, la country surtout. Dans l’atelier, je chantais, je mélangeais ses couleurs, nous parlions d’art et de musique, il composait lui-même beaucoup de chansons qu’il enregistrait dans son atelier » me raconte-t-elle avec émotion, le regard encore baigné de tendresse. Tom et Monica se rencontrent en 1982 lors d’une exposition à la galerie Janis Jopling de Sydney. A partir de cette date, elle restera sa muse jusqu’à sa mort en 2004. Un long chemin de connivence artistique et de profonde intimité entre l’artiste et son modèle. « Mais j’étais plus que son modèle, nous avons noué une grande amitié » explique-t-elle. « Et il me demanda si les œuvres qui me représentaient pouvaient porter mon nom ». C’est ainsi que les séries des dernières années portent souvent le nom de Monica, contrairement aux œuvres des années 1960 tels que les célèbres Great American Nudes. Elles sont ainsi des portraits plus incarnés et plus intimes dans lesquels la ligne se déploie en jouant du contraste de l’ombre et de la lumière quand elle ne fait pas de l’œil à Mondrian et à Lichtenstein. Elles cherchent même à dépasser l’espace du tableau pour habiter un mur, à la manière d’un claustra dans une alcôve secrète.

Monica with Wesselmann, jusqu’au 20 juillet, galerie Almine Rech