L’israélienne Maya Dreifuss signe avec ce deuxième long métrage Highway 65 un polar sec à la recherche d’une mystérieuse disparition.

Grand Prix du dernier festival « Reims Polar », Highway 65 est le second long métrage de la prometteuse cinéaste israélienne, Maya Dreifuss. Elle signe ici un film-enquête bien ciselé qui joue sur les troubles, les repères flottants et les stéréotypes. Daphna (magistrale Tali Sharon) vient d’être mutée par son administration dans une petite ville du Nord d’Israël. Après Tel Aviv, Afula tient de la punition pour cette enquêtrice rétrogradée en seconde division. On lui confie un gamin pour un banal vol de portable. Elle doit régler toute seule la clim en panne dans la salle d’interrogatoire, et à l’image de cette chaleur aussi stagnante qu’étouffante, Daphna fait du surplace. Jusqu’à ce qu’elle comprenne que le portable n’a pas été volé mais retrouvé dans un champ par le gosse et qu’elle se lance dans la quête de la propriétaire du mobile. Orly Eimelech, celle-ci s’appelle Orly (Anastasia Fein), est une beauté, veuve d’un soldat tué lors de la dernière guerre du Liban et elle a mystérieusement disparu sans que personne dans son entourage ne semble s’en inquiéter outre mesure – arguant de sa légèreté. Maya Dreifuss joue avec la question du fantôme de la disparue, de son image retrouvée dans une petite vidéo, auscultée en numérique pour y traquer le moindre indice, à la manière dont Lynch, ou Preminger avant lui, pouvaient le faire avec leur Laura à l’aura vampirique. En un clin d’œil appuyé au Persona de Bergman, le film fait un sort au fantôme d’Orly dans un miroir embué ; elle qui recoiffe et maquille Daphna pour l’aider à occuper sa place dans l’histoire. Orly s’efface. Et c’est la force de ce Highway 65 de reprendre des échos, des obsessions cinématographiques pour mieux les contourner et dire quelque chose de la position des femmes dans la société israélienne contemporaine. Dans un pays dominé par la violence et la guerre, quel espace accorde-t-on aux femmes ? L’obsession de Daphna pour Orly lui permet avant tout de reconquérir son désir et son rôle d’enquêtrice dans un milieu corrompu. La belle-famille d’Orly, les Golan, tente de museler Daphna alors qu’elle se rapproche dangereusement de leur second fils. Daphna n’a pas d’enfants, pas d’amants, elle ne prend guère soin de son apparence, mange salement, boit des bières et se consacre exclusivement à son travail sans se préoccuper des attentes d’une société qui condamne les femmes comme elle. Orly est son double maléfique. La mise en scène travaille par reprises visuelles :  des pieds nus qui courent dans la nuit, des jambes ensanglantées qui s’affaissent aux abords d’un champ, une femme en robe rouge. La cinéaste s’amuse à dérouter le spectateur en multipliant les fausses pistes. Elle reprend des séquences pour les donner à voir autrement. Un film policier sec et efficace qui vaut largement le détour.

Highway 65 de Maya Dreifuss (2024, Israël-France) avec Tali Sharon, Igal Naor, Idan Amedi, Anastasia Fein, TS Productions, MK2 France, sortie le 31 juillet 2024