Adapté du roman de Pierric Bailly, le nouveau film des frères Larrieu dresse le portrait d’un homme, un vrai.

Le film s’ouvre sur des images de négatifs photos. Comme une invitation à voir l’indicible du monde, sa face inverse. L’auteur des photos, Aymeric, est un homme sur lequel on peut compter, un ami, un père, un amant. « Un gentil », pour reprendre l’expression que son interprète, Karim Leklou, répète en interview.

En français du XXe siècle, « gentil » est plutôt péjoratif. Il ne l’est plus depuis Le Roman de Jim. Son héros détonne dans une histoire du cinéma qui aura, à quelques exceptions près, plutôt cultivé le muscle, le regard en coin et les pieds dans la porte. Mêlé à un cambriolage, Aymeric commence sa vie d’adulte par un passage en prison où il écope pour les autres. À sa sortie, il rencontre Florence (Laeticia Dosch), une ancienne amie du lycée. Elle est déjà enceinte, ils tombent amoureux et lors de l’accouchement, il sera là à tenir le petit Jim dans ses bras. Lorsque Jim fait ses premiers pas, Aymeric est là. Aymeric est là tout le temps pour Jim et devient son papa. Jusqu’au jour où débarque Christophe (Bertrand Belin), l’ancien amant de Florence et géniteur de Jim. Cette histoire s’écoule sur plus de vingt ans. Le temps y bat son propre rythme et le montage travaille l’ellipse comme s’il s’agissait d’un film épique contant la vie d’Aymeric. Les réalisateurs disent avoir voulu conserver le titre du livre car le « roman » de Jim c’est « justement tout ce qui le fonde au-delà de son origine biologique »À comprendre l’homme qui l’a éduqué et aimé dans les premières années de sa vie ?

Ne disons pas plus du film si ce n’est qu’Aymeric avancera, dans sa vie et dans ses choix, sans violence, sans faire de mal, sans chercher à triompher au nom du bien, vague notion. Il est à l’opposé des stéréotypes dénoncés par l’expression « masculinité toxique ». Ces deux mots qui ont surgi dans nos quotidiens, vous ne les aviez jamais entendus ensemble et d’un coup vous les croisez à chaque coin de rue. Ce ne sont pas des effets de mode, ni des engouements soudains mais une façon de regarder autrement, de voir une réalité sous un angle nouveau, de se pencher sur ce qui est devant nous tous les jours et de le percevoir différemment. Le cinéma, l’art en général, les négatifs photos d’Aymeric en particulier, nous accompagnent dans ce mouvement et le dernier film des frères Larrieu, présenté dans la sélection Cannes Première, en officielle du Festival 2024, en est un exemple. Souvent qualifié de mélodrame, le film traverse plusieurs genres comme le western lorsque dans une des scènes finales, les mots du Jura sont le lieu d’une épreuve, d’un accomplissement mais point d’un viril dépassement de soi. Le film cultive surtout le réalisme, le romanesque aussi mais le réalisme surtout, notamment par les choix de casting. Les acteurs sont tous criant de vérité, de leur vérité que les frères Larrieu ont su capter.

Le Roman de Jim d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Avec Karim Leklou, Laeticia Dosch, Sara Giraudeau, Bertrand Belin. Pyramide distribution, actuellement au cinéma