En ouverture de saison des Célestins à Lyon, le comédien et metteur en scène Michel Raskine se glisse dans les mots de l’auteure Marie Dilasser, et nous invite, le temps d’une soirée, dans La chambre rouge.
Comment est née cette idée de seul en scène ?
Cela fait plusieurs années que je travaille avec Marie Dilasser et que je mets en scène ses textes. J’aime beaucoup son écriture. On s’entend fondamentalement bien, notamment parce que les tâches sont parfaitement bien définies et très partagées. C’est une collaboration idéale. Elle écrit et je réalise, sans qu’aucun n’empiète sur l’autre. On s’appelle beaucoup, on échange sans cesse. Lors de la reprise après Covid de Blanche-Neige, histoire d’un Prince, un des comédiens à craqué, et j’ai dû le remplacer au pied levé. Texte en main, je suis monté sur scène. Et là, toutes les sensations de l’acteur, oubliées depuis 15 ans, sont revenues d’un coup, et très joyeusement ! Cela m’a donné envie de fouler les planches à nouveau. J’ai donc proposé à Marie de m’écrire un monologue, le premier de ma carrière, même si finalement nous serons trois au plateau. C’est comme cela qu’est née La Chambre rouge (fantaisie), un impromptu qui entremêle souvenirs réels et fictionnels. Même si je n’avais pas le désir de redevenir comédien, j’ai toujours pensé, à l’instar de Patrice Chéreau que j’admire tant, que c’est sans doute nécessaire de rejouer régulièrement. Car à mon sens, la complexité du jeu est plus brûlante et sur le fil que celle de la mise en scène.
Comment vous êtes-vous connu avec Marie Dilasser ?
Elle était dans la première promo « Écriture dramatique » de l’Ensatt en 2005. Et on m’a confié la mise en espace d’un de ses premiers textes. J’ai tout de suite été emballé. C’est assez rare de lire des œuvres dont l’originalité est aussi flagrante. Elle avait déjà le goût des sujets sociétaux, l’écologie et le féminisme par exemple. C’était peu coutumier à l’époque. Et puis elle a un style si original, une langue que l’on sent irriguée par une forme de fantaisie qui me plait, elle ne craint pas le burlesque ou même la farce, car cela donne de la légèreté au propos. Mais ce qui me fascine le plus chez elle, c’est qu’elle écrit à la commande. Jamais le projet ne vient d’elle. On pourrait croire qu’elle n’a pas d’inspiration propre, mais dès qu’on lui propose une nouvelle aventure, toute sa machine de conteuse et d’autrice inspirée et audacieuse se met en route. Pour toutes ces raisons et bien d’autres encore, nous avons poursuivi depuis lors une sorte de compagnonnage sur pas moins de cinq spectacles.
Comment avez-vous travaillé ?
Marie est quelqu’un qui a un ego au bon endroit et une vraie personnalité, elle donc très disponible à l’écoute et à la dispute, comme on l’entendait au XVIIIe siècle. Pour elle, écrire pour le théâtre est un travail dont elle s’acquitte en se laissant bousculer par l’autre, par ce qu’il a à dire. Elle entend les silences autant que les mots. Tout ce que je lui raconte depuis toutes ces années agit comme des stimuli. Ainsi l’un et l’autre, à notre manière, nous activons nos imaginaires respectifs. Et c’est ce qui donne sans doute toute la singularité de notre travail commun. Maintenant que les répétitions vont commencer, mon travail démarre vraiment. J’esquisse dans ma tête là où je souhaite aller. Et j’avance sans trac mais avec passion.
La chambre rouge (Fantaisie) de Marie Dilasser, mise en scène de Michel Raskine, du 18 au 29 septembre 2024 aux Célestins, théâtre de Lyon