Potemkine pour notre grand plaisir restaure un des chefs-d’œuvre du cinéma, Golem de Paul Wegener.
Une restauration du Golem de Paul Wegener par Potemkine rend enfin justice à la magnificence de ce classique du cinéma allemand des années 1920. Potemkine remet ainsi en lumière un joyau du cinéma germanique dans une superbe version accompagnée de trois compositions musicales différentes. Paul Wegener s’est toujours défendu d’avoir fait œuvre expressionniste avec son Golem, cependant, comme le souligne à juste titre Lotte H. Eisner dans L’Écran démoniaque, « ce film passe pour en être un, ce qui est sans doute dû aux fameux décors de Poelzig, créateur du Grosses Schauspielhaus. » Eisner loue le génie de Paul Wegener qui parvient à se réapproprier avec brio l’expressionnisme aussi bien que les mises en scène dans le style de Max Reinhardt. La légendaire adaptation du roman éponyme de Gustav Meyrink imprégnée par ces différentes sources d’inspiration, joue avec la magie des éclairages du cinéma. La lumière projette l’ombre des grilles sur les vêtements, sculpte les visages du rabbin Löw et de Miriam en gros plan, quand une petite lampe à huile ou le halo d’une menorah se conjuguent à des rangées de torches vacillantes pour dessiner des intérieurs dignes de Rembrandt. Monstrueuse créature de la nuit ou être aussi divin que protecteur issu du pouvoir des lettres hébraïques combinées, créé et diligenté par l’homme, le Golem est issu de la tradition kabbalistique. Ce géant d’argile — dont les automates en tous genres et surtout la créature du Dr. Frankenstein sont les dignes descendants — n’a cessé de fasciner et d’influencer la littérature comme le cinéma. Sa toute première apparition a lieu dans La Bible au psaume 139 alors qu’Adam se désigne comme une masse informe, fait de glaise et animé par le souffle divin. Puis au XVe siècle, ce personnage de glaise migre du domaine mystique vers le domaine légendaire. La plus célèbre version est celle du Maharal de Prague (appelé aussi Rabbi Löw) qui, au XVIe siècle, décide, pour défendre la communauté juive alors menacée, de fabriquer un Golem. Le Sage prend soin de l’animer à l’aide du nom de Dieu. Pourtant oubliant de l’endormir un soir de shabbat, sa créature se transforme en menace et le contraint à la détruire. La légende raconte que le corps du Golem repose encore aujourd’hui dans la synagogue Vieille-Nouvelle de Prague. Gustave Meyrink popularise cette matière avec son roman publié en 1915 et Paul Wegener lui offre trois films en 1915, 1917 et 1920. Le Golem à la démarche lente et lourde possède désormais un visage aux yeux vides et tristes, aux traits féroces et mélancoliques. Un visage de pierre. En cette période tourmentée, il est plus que jamais indispensable de se plonger dans des films tels que celui-ci.
*Le Golem de Paul Wegener (Allemagne, 1920), avec Paul Wegener, Lyda Salmonova, Albert Steinrück, Potemkine, combo DVD et Blu-Ray enrichi par de riches entretiens et des travaux de la Fondation Murnau, sortie le 17 septembre 2024.