Pour les dix ans de la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, une rétrospective exceptionnelle s’ouvre autour de la longue carrière de l’actrice Lillian Gish.

La Fondation Jérôme Seydoux-Pathé ouvre sa nouvelle saison de rentrée en fêtant ses dix ans d’existence sous le signe d’une immense actrice du cinéma muet américain du premier âge : Lillian Gish. En devenant l’égérie de D. W. Griffith, Lillian Gish obtient le statut de vedette. C’est son amie Mary Pickford, « la petite fiancée de l’Amérique », qui la recommande auprès de Griffith. Aux côtés de sa sœur, Dorothy Gish, elle fait ainsi ses débuts en 1912, puis partage avec elle l’affiche de Cœurs du monde (1918) et Les Deux Orphelines (1921). Griffith est son mentor, elle le vénère tant que son autobiographie même s’intitule Le CinémaM. Griffith et moi. Ensemble, ils tournent une quarantaine de films dans lesquels elle interprète souvent la jeune fille en détresse à l’aide d’un jeu mélodramatique intense. L’art du gros plan selon Griffith se met au service de ce visage au teint lumineux et aux grands yeux étonnés. Pour Le Lys brisé (1919), un sourire étiré avec ses doigts lui fait gagner l’admiration de Griffith et ce geste devient son signe distinctif. Elle enchaîne les tournages sous la houlette du maître (Naissance d’une nation, 1915, Intolérance, 1916, À travers l’orage, 1920) avant de travailler sous la direction de King Vidor (La Bohème, 1926) puis de Victor Sjöström (La Lettre écarlate, 1926, Le Vent, 1928). Contrairement à nombre d’acteurs du muet, sa carrière n’est pas stoppée par l’arrivée du parlant, bien au contraire, elle enchaîne les petits rôles dans des séries télévisées mais aussi dans des westerns d’envergure tels que Duel au soleil de King Vidor (1946) ou Le Vent de la plaine de John Huston (1960). Avant le tournage, Huston, accompagné de sa vedette masculine Burt Lancaster, décide de conduire son actrice en plein désert espérant l’entraîner au tir. Stupéfaits, les deux hommes découvrent que la petite dame Gish tire bien mieux qu’eux et qu’elle adore ça. Fausse ingénue fragile, Gish prend souvent les armes dans ses films, comme dans La Nuit du chasseur (1954) de Charles Laughton où elle affronte l’ogre Mitchum à coups de chant comme de fusil. Son dernier rôle lui permet de donner la réplique à une autre dure à cuire du cinéma, Bette Davis (Les Baleines du mois d’août de Lindsay Anderson, 1987). Lillian Gish s’est toujours battue pour préserver sa carrière dans une industrie où être une femme n’était pas tâche aisée : « Quand j’ai débuté, Lionel Barrymore jouait le rôle de mon grand-père puis il a été mon père et ensuite mon mari au cinéma. Si Barrymore avait vécu plus longtemps, il aurait fini par interpréter mon fils. C’est ça Hollywood ! Les hommes peuvent rajeunir à l’écran quand les femmes, elles, sont condamnées par leur grand âge. » Celle qui envisageait le mariage comme une simple affaire commerciale a décidé très tôt que sa carrière d’actrice comptait plus que tout et qu’elle était incompatible avec un époux et des enfants. Lillian Gish a donné sa vie pour le cinéma et les spectateurs du monde entier continuent de lui en être redevables.

Rétrospective Lillian Gish à la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé du 4 septembre au 8 octobre 2024. Anniversaire des 10 ans de la Fondation.