Du Centre Pompidou à Paris à la Biennale de Lyon en passant par le Château de Tours, la Nouvelle Saison culturelle accueille la passionnante scène artistique lituanienne… 

S’il vous était demandé de citer des noms d’artistes lituaniens, peut-être donneriez-vous celui de Jonas Mekas, le cinéaste underground. Ou depuis peu celui de Lina Lapelytė, qui a reçu le Lion d’or à la Biennale de Venise en 2019 pour Sun & Sea (Marina), son installation performative de touristes balnéaires nonchalants illustrant la passivité des hommes face à la crise climatique. Mais quid des autres créateurs ? Telle est justement l’ambition des Saisons organisées depuis 1985 par l’Institut Français. Faire découvrir l’effervescence créatrice d’un pays à travers des expositions, des rencontres, des spectacles vivants. Et affirmer une relation diplomatique présente et future. Or, dans le contexte de la guerre en Ukraine, un tel projet paraît primordial pour Simonas Kairys, le ministre de la Culture lituanien dont le pays aux frontières communes avec la Biélorussie a proclamé son indépendance de l’Union soviétique en 1990. La Saison de la Lituanie en France, qui se tient de septembre à décembre, est donc l’occasion idéale de découvrir une scène artistique nationale contemporaine talentueuse, engagée, composée d’une très grande majorité de femmes, qu’elles soient artistes plasticiennes, chorégraphes, danseuses, vidéastes ou directrices d’institution. Et de dévoiler des artistes modernes méconnus en France. Le tout réuni et orchestré par la sensible et enthousiaste commissaire générale de la Saison Virginija Vitkienė, par ailleurs directrice artistique de la biennale de Kaunas. 

    Dans le domaine des arts plastiques, l’évènement débute au Centre Pompidou avec un partenariat entre l’institution parisienne et le MO Museum de Vilnius, initiative privée du couple de scientifiques Danguole et Viktoras Butkus. Une sélection d’œuvres d’art contemporain de la collection du musée lituanien y est présentée. Il est ainsi possible d’y retrouver le très remarqué duo Pakui Hardware, qui expose actuellement un corps hybride dans le pavillon lituanien de la Biennale de Venise. Ce techno-organisme aux membres enflammés et connectés à son environnement raconte les traumatismes physiques et écologiques. Anastasia Sosunova y présente Agents, son film consacré aux normes sociales. Tandis que son installation DIY intègre l’exposition imaginée pour le Palais de Tokyo et Kadist par Neringa Bumblienė du Centre d’art contemporain de Vilnius et la commissaire française Émilie Villez. Organisée autour de douze artistes lituaniens, les œuvres, en écho au contexte géopolitique actuel, s’intéressent au quotidien en temps de crise. Les frontières sont des animaux, le titre, fait échos au texte de l’écrivaine Luba Jurgenson écrit lors de l’invasion de l’Ukraine dans la nuit du 24 février 2022. « Les frontières sont des animaux nocturnes, elles bougent pendant que nous dormons. Il faudrait toujours veiller. » Le Centre Pompidou présente aussi la donation du MO Museum de six œuvres d’artistes modernes dont l’artiste abstraite et textile Kazimiera Zimblytė ou encore On the Square(composition III) de Marija Terese Rozanskaite qui représente l’humiliation, la résistance et le courage. Ainsi qu’une seconde importante donation, des oeuvres du peintre optico-cinétique Kazys Varnelistandis que la Fondation Vasarely à Aix-en-Provence lui organise une exposition personnelle (jusqu’au 15 octobre). 

   Lors d’une visite à la National Gallery of Art (NGA) de Vilnius, sa directrice Lolita Jablonskienė nous présente le travail passionnant, protéiforme, radical d’Aleksandra Kasuba. Depuis les années 40, l’artiste évolue de l’Art & Craft à l’abstraction géométrique pour finir par intégrer les questions de spatialité et d’architecture. Ses environnements colorés et lumineux en tissu, images utopiques d’un futur souhaitable, stimulent les sens, comme pour accompagner ses contemporains vivant les tristes heures de l’occupation nazie puis soviétique. Le Carré d’Art – musée d’art contemporain de Nîmes, lui, organise une exposition personnelle (du 25 octobre au 23 mars). À ses côtés seront exposées les sculptures de la jeune Marija Olšauskaitė. A travers des formes simples en verre et en silicone, l’artiste explore le potentiel plastique et esthétique des matériaux. « Et la capacité de l’art à inspirer l’honnêteté et l’ouverture », précise-t-elle.  

   La Saison culturelle permet aussi de découvrir la scène photographique. Les images sensuelles de Gerda Paliušytė questionnent notre relation au vivant, au Château de Tours (jusqu’au 10 novembre). Donatas Stankeviĉius rejoue avec joie ses souvenirs passés en reconstituant des scènes quotidiennes de son enfance, au Festival Photaumnales dans les Hauts-de-France (du 21 septembre au 31 décembre). Les photographies en noir et blanc de la vie rurale de Rimaldas Viksraitis sont présentées à la Fondation Fiminco à Romainville aux côtés des portraits peints contemporains de Rute Merk, de vidéos et d’installations. L’exposition Les Ambassadeurs, imaginée en collaboration avec Le Musée national d’art de Lituanie (NGA), accueille aussi une création de Lina Lapelyté. L’artiste sera par ailleurs mise à l’honneur à travers la présentation de plusieurs de ses performances dont Study of Slope sur la normalité à la Biennale de Lyon et au festival d’Automne avec Have a Good Day ! , sa dernière production créée avec Rugilė Barzdžiukaitė et Vaiva Grainytė autour des caissières de supermarchés. Mais au-delà de ce trio incontournable d’artistes qui considère la place de l’individu dans la société, de nombreuses créations théâtrales ou dansées devraient inciter le public à regarder attentivement du côté de la Lituanie. Car ces artistes sont énergiques, hypercréateurs, ambitieux, engagés, de la productrice Ana Ablamova à la metteuse en scène Egle Svedkauskaite en passant par la chorégraphe américaine installée en Lituanie Yana Ross, jusqu’à Kamile Gudmonaite, chanteuse et metteuse en scène qui organisera une fête le 12 et 13 octobre au Théâtre de la Ville à Paris. Un conseil, n’oubliez pas leurs noms. 

Se voir en l’autre, La Saison de la Lituanie en France, du 12 septembre au 12 décembre.