Jean-Marc Parisis, un des meilleurs stylistes de cette rentrée, signe un roman Prescriptions, efficace, rapide, tranchant.
Le héros du dernier roman de Jean-Marc Parisis porte le même nom qu’un élégant et discret acteur français. Le Pierre Vernier évoluant dans les pages de Prescriptions travaille comme iconographe au service photo d’un journal, Le Nouveau, « quotidien d’extrême centre » louvoyant « depuis quarante ans entre allégeance au pouvoir et opposition parodique, quel que soit le pouvoir, quelle que soit l’opposition ». Notre homme, qui manie volontiers l’ironie, habite à Paris avec sa compagne, Marion, enseignante à l’université à la voix d’alto. Leur fille adolescente Solène, elle, a déjà quitté le nid pour partir étudier à Marseille. Nous savons également que le sexagénaire porte des Church’s et peut déjeuner d’un pan-bagnat bio avec anchois. « Il n’était d’aucune religion. Il n’avait aucune foi, il avait beaucoup d’imagination. Il vivait dans la tranquillité, la modestie, la liberté d’une vie sans culte, loin de l’étouffante et querelleuse famille des dieux, des enfantillages de la foi et des fables de la transcendance, il vivait dans le bain (ou le flux) d’un temps insaisissable, objectif, indifférent, qui ne semblait s’écouler (ou stagner) que pour lui-même, opiniâtre, oublieux, méprisant, laissant aux hommes la charge et le travail de la mémoire », indique encore Jean-Marc Parisis. Soudainement pris de vertiges et de migraines, Pierre Vernier consulte sans en parler à personne un neurologue et passe des examens dans une clinique. Le verdict tombe rapidement. Il souffre d’une maladie auto-immune, une maladie orpheline. Le syndrome de Pabst-Thomas a été découvert récemment et la recherche médicale est encore démunie pour le traiter. Pierre Vernier l’a compris, un compte à rebours a commencé, une épée de Damoclès le suit désormais… On avait laissé Jean-Marc Parisis après On va bouger ce putain de pays, une radiographie mordante du monde politique de notre époque avec ses acteurs plus ou moins crédibles. Prescriptions est tout aussi réjouissant grâce à son art de la demi-teinte et de la déambulation. L’auteur de Avant, pendant, après et d’Un problème avec la beauté. Delon dans les yeux y varie les registres avec le talent qu’on lui connaît. Il peut décocher quelques flèches bien senties mais aussi se montrer délicat et touchant à mesure qu’il affine le portrait de son protagoniste en plein questionnement. Ce Pierre Vernier qui écoute avec émotion les Gnossiennes de Satie dans une chambre aux lits jumeaux. Celui qui revient à Montreuil pour la première fois depuis belle lurette. Celui qui reçoit par mms un Polaroid représentant deux adolescents rieurs envoyé par un amour de jeunesse et la demande d’une ex-conquête soucieuse de récupérer les lettres et cartes postales qu’elle lui a envoyées dix-sept ans plus tôt. Le même, encore, inlassablement troublé lorsqu’il croise sa belle voisine du dessus à queue-de-cheval… L’ensemble faisant de Prescriptions l’une des plus grandes réussites littéraires de Jean-Marc Parisis.
Jean-Marc Parisis, Prescriptions, Stock, 234 p, 20 €