Personnage fétiche d’Olivier Py, Miss Knife, chanteuse et diva, nous offre un récital de chansons inédites dans le foyer du Châtelet. Un moment rare de burlesque et de mélancolie.

Par Oriane Jeancourt Galignani

Elle nous avait manqués. Et à voir l’accueil de la salle lors de son arrivée, nous n’étions pas les seuls. A l’entrée de Miss Knife, somptueuse sous sa perruque blonde et dans un petty-coat en tulle noir et sequins diamantés, laissant voir ses jambes en collants pailletés, les applaudissements résonnent dans le foyer du Châtelet. Ma voisine murmure, émue, « j’ai l’impression d’être à un concert privé d’une star ». Nous y sommes en effet, non pas en privé, mais en public, réunis au pied du récital de notre vieille gloire. Oui, pardon, je peux écrire vieille gloire, car Miss Knife fait de sa longévité l’un de ses sujets préférés : «  je suis face à la troisième génération » minaude-t-elle. En effet, les jeunes gens qui m’entourent sont là, comme leurs aînés avant eux, pour découvrir son charme burlesque et mélancolique, un peu Aznavour, un peu Gréco, ( n’étions nous pas d’ailleurs à côté du salon baptisé du nom de la chanteuse ?), et, un peu Tony Curtis dans Certains l’aiment chaud. Enfin non, Miss Knife est inclassable, chanteuse de cabaret à la française telle que n’a cessé de la réinventer Olivier Py, son géniteur, son interprète, et son auteur, puisque Miss Knife n’existe que par et pour ses chansons. Certaines sont pour ses aficionados incontournables : ainsi « le Tango du suicide » qu’elle a interprété avec verve ce soir de première, face à une salle hilare. Il en faut un tonus, et une écriture, pour réussir à faire rire un public du suicide et de ses variations…D’autres chansons, la plupart, étaient inédites. Beaucoup nous parle d’amour, « j’ai rencontré un petit gauchiste » roucoule Miss Knife, «  quand il a enlevé son tee-shirt, j’étais prête à changer le monde ». Mais l’amour n’est pas heureux, et accoudée au piano, Miss Knife, et son formidable accompagnateur, Antony Sikopoulos à la voix de baryton, pleurent les joies perdues. Ainsi l’une des plus belles chansons, « Mes amours défuntes », la chantent-ils à deux, jusqu’au dernier couplet, « Bonheur amer, plaisir charnel, Je contemple la mer, et l’amour éternel ». Peut-être faut-il entendre chanter la langue d’Olivier Py pour se souvenir à quel point il sait être juste dans son lyrisme. Et même s’il s’en amuse, « combien de bipolaires dans la salle ? » demande-t-il, la mélancolie de ses chansons nous emporte et nous émeut. Ainsi « Les cafés du Ve » raconte une femme qui a aimé un homme porté par des idéaux, qu’elle redécouvre, vingt ans plus tard, assis à la même table, livré à sa « triste déchéance ». Il y a une once d’ironie dans ce tableau humain qu’il s’amuse à brosser, mais aussi un talent pour raconter en un sourire, le temps qui abîme tout désir de grandeur. L’âge sied bien à Miss Knife, il lui donne un air de diva échappée du siècle dernier. Lorsqu’elle quitte la salle, la foule ravie, larme à l’œil, applaudit sa somptueuse vieille gloire. 

Miss Knife forever, Olivier Py, Théâtre du Châtelet, jusqu’au 12 novembre

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