En Arles, la Fondation Van Gogh célèbrent « la haute note Jaune » recherchée par le peintre hollandais, en compagnie de 22 artistes contemporains.
S’il parait aisé de reconnaître la note bleue, celle-là même qui donne sa couleur musicale au blues, qu’en est-il de la « haute note jaune », si chère à Vincent Van Gogh ? C’est à cette question que tente de répondre l’exposition hivernale de la Fondation arlésienne dédiée au maître hollandais tout comme à l’histoire de sa réception, jouant alors de toute une gamme de correspondances entre vingt-deux artistes d’origines diverses et de différentes générations. Dans son essai introductif pour le catalogue, Bice Curiger, directrice artistique de la Fondation et co-commissaire de l’exposition, rappelle en préambule que « le mot “jaune” apparaît une centaine de fois dans la correspondance du peintre au cours de la seule année 1888 ». Tournesols et autres Champs de blé, le jaune hante en effet ses tableaux comptant parmi les plus célèbres et les plus réputés : tous ont été réalisés à la fin des années 1880 alors que l’artiste séjournait à Arles et dans le Sud de la France. Et bien plus qu’une simple couleur sur sa palette, le jaune représente pour Van Gogh un acmé créatif à la fois redouté et désiré, autrement dit une expérience limite de l’art.
Cette quête d’expressivité poussée à l’extrême se retrouve naturellement parmi les œuvres des artistes exposés. C’est en effet bien elle, la « haute note jaune » ! Celle que l’on écrit avec un point d’exclamation, telle la sculpture en plastique fluo à demi suspendue de Richard Artschwager qui ouvre le parcours. À ses côtés, les deux photographies de l’artiste autrichienne Valie Export, toutes auréolées d’un jaune lumineux – profondément vitaminé- placent les sens du spectateur dans un état exacerbé. La joie rageuse dont fait ici preuve la célèbre photographe et performeuse – davantage connue pour l’utilisation de la couleur rouge sur ses clichés – agit comme un principe actif de conditionnement à la suite de la visite. Dans la salle suivante, prend place en suspension l’impressionnante Arch of Hysteria, une sculpture en bronze poli réalisée par Louise Bourgeois. Sa monstration demeure un point fort de l’exposition tant elle s’accorde au rythme assourdissant des toiles abstraites d’Asger Jorn, d’Albert Oehlen et de Martha Jungwirth qui lui font face : leur abstraction laisse entendre tout le rejet des conventions, les artistes oscillant sans cesse entre radicalité et expérimentation. Sous la main de Markus Gadient, la peinture devient ainsi un jeu pour créer des effets hallucinatoires, tous propices à une nouvelle expérience sensorielle. Les illusions abstraites de Pierre Schwerzmann rentrent alors en résonance avec les tableaux à la lueur phosphorescente de Nina Childess ou bien les délicates tempera sur toile réalisées par Hyun-Sook Song. L’exposition s’achève avec Bruno Jakob, lequel travaille uniquement avec de l’eau sur du papier : ici seule subsiste poétiquement la trace ondulée d’un effleurement. Et de l’espace musical à l’espace pictural, la haute note jaune joue alors comme la réverbération d’une intense intériorité, où tout est question de souffle, de soufre et de profonde vitalité.
La Haute Note Jaune, fondation Vincent Van Gogh Arles, du 5 octobre 2024 au 2 février 2025
Photo : Fondation Van Gogh – Louise Bourgeois – Arch of Hysterie (Arc d’hystérie); 1993. Bronze et patine polie, pièce suspendue, 83,8×101,6×58,4 cm © The Easton Foundation, Adagp, Paris, 2024. VAGA, Artists Rights Society (ARS), New York. Photo Christopher Burke.