Trois adolescents en ont tué un autre. Dix ans plus tard, ils reviennent sur les lieux de leur crime. Grave erreur…

À première vue, avec son dinner où les ados se retrouvent pour des milk-shakes et des burgers pas chers, ses 5000 habitants, Savage Ridge a tout d’un trou aussi perdu que tranquille. Et pourtant, quand nous découvrons cette petite bourgade, l’irréversible a déjà eu lieu. Trois lycéens ont tué l’un de leurs camarades, le fils de l’homme le plus riche et le plus puissant de la région. La décision a été prise froidement, et le plan minutieusement prémédité. Pourquoi ? Il faudra les 400 pages de ce brillant polar pour le comprendre.

Salué par le grand Jo Nesbø lui-même, le britannique Morgan Greene tisse ici un récit hautement prenant et mélancolique. Il navigue entre le passé du crime, et le présent des coupables, dix ans plus tard. Le frère de la victime entend bien découvrir ce qui s’est passé. Il a engagé une détective privée pour résoudre le mystère, là où tous les enquêteurs précédents sont arrivés à une impasse. Car en l’absence de cadavre, la culpabilité des assassins n’a jamais été établie, en dépit des soupçons qui pesaient sur eux. Cette inspectrice parvient à faire revenir les trois suspects en même​e temps à Savage Ridge. Cela fait dix ans qu’ils s’en étaient abstenus, ayant fui la bourgade après leur crime en se promettant de ne jamais y remettre les pieds. Mais remuer le passé n’est jamais sans conséquence, en particulier lorsqu’il s’est écrit dans le sang.

Peu à peu, les pièces du puzzle se mettent en place. Le suspense, ici, ne tient pas à l’identité des meurtriers, donnée d’emblée, mais bien à leur mobile, ainsi qu’à leur capacité à ne pas se laisser rattraper par leur acte. Polyphonique, Tous des animaux nous fait entrer dans la psyché des uns et des autres, en nous cachant toujours ce qui est nécessaire pour maintenir la tension et mener le lecteur en bateau. Ce dernier est placé dans une position trouble, épousant le point de vue des criminels devenus proies – y compris de leurs propres remords. Plus que la détective à leurs trousses, leur pire ennemi est leur conscience, qui pourrait les pousser à craquer alors qu’ils ont commis le crime parfait… Ils ont pourtant payé à leur façon. Leur acte jamais puni les a fait basculer dans une existence à demi vécue, suspendue à la perpétuelle attente du couperet de la révélation. Chacun des trois a vu son destin dévié le jour du meurtre, sans espoir de rachat. Autour d’eux, gravite une galerie d’êtres cabossés, comme autant de bombes à retardement. Comment échapper à soi-même ? Morgan Greene sonde les conséquences de la violence, et sa contagion sordide. La culpabilité, ici, est collective, et l’auteur nous fait pénétrer dans une communauté gangrenée par le secret, la lâcheté, la compromission et les colères enfouies. La manipulation et l’amertume y contaminent tout, et la vengeance transforme à jamais ceux qui s’y laissent aller.

Tous des animaux, Morgan Greene, traduit de l’anglais, Sonatine, 23 €