PATRICK JOUIN, L’INSATIABLE CURIEUX
Touche-à-tout sans cesse sur la brèche, le designer français dévoile sa première collection de mobilier auto-édité.
Il a l’œil pétillant et l’allure d’un jeune homme. Dans son studio du 8ème arrondissement où s’affairent plus de quarante talents, Patrick Jouin, 58 ans, façonne notre quotidien sans que l’on sache toujours qu’il en est l’auteur. Des sanisettes JCDecaux aux plots des Vélib’, du lumineux des taxis français à la signalétique et au mobilier urbain du Grand Paris Express, son empreinte est partout, discrète et pourtant essentielle. Mais cet infatigable créateur ne se limite pas à l’espace public : au-delà de sa collaboration avec de prestigieux éditeurs, Jouin est architecte, designer d’intérieur, prospectif – en 2004, il créa Tamu, sa première chaise imprimée en 3D -, et depuis janvier, designer auto-édité. Commercialisée sur son site et au studio, sa collection célèbre les matières et le geste artisanal : Olo, fauteuil minimaliste en cuir naturel et métal, Drop, table en acier émaillé au chromatisme vif, Flip, pimpante céramique de table modulable, Mate, tabouret en cuir et bois, ou encore la chaise pliante Monk, sont d’une élégante simplicité…complexe. « J’aime tout faire, je suis curieux. Avec les éditeurs, il y a des contraintes, avec les particuliers, une totale liberté. Entre les deux, il y a des idées qui ne prennent vie que si l’on décide de les réaliser. J’aime ce « design de laboratoire », comme avec Olo ayant nécessité quatre ans et de nombreux prototypes. Chaque pièce est un hommage aux savoir-faire et matières, fils rouges de mon travail. » Fin 2025, avec son acolyte l’architecte canadien Sanjit Manku, il livrera notamment la rénovation intérieure du Park Hyatt Tokyo, immortalisé dans Lost in Translation. Mythique !
patrickjouin.com
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L’EXPOSITION
L’Intime, de la chambre aux réseaux sociaux, jusqu’au 30 mars, musée des arts décoratifs de Paris (MAD), madparis.fr
« Dis-moi comment tu t’assois, je te dirai qui tu es… » semblent murmurer derrière un spectaculaire trou de serrure signé Italo Rota, les vingt-cinq objets design du XXe siècle, dans la nef du musée. Si les galeries latérales plongent au cœur de l’intimité depuis le XVIIIe siècle, la travée centrale, elle, explore l’évolution des comportements sociaux à travers une déferlante de sièges, canapés et lits iconiques, des années 1950 à nos jours. Un focus design mettant en lumière l’alternance entre le désir de repli des années 1960, et de convivialité de la décennie suivante. En témoignent, entre autres, les fauteuils La Mamma (1969) et I Feltri (1986) de Gaetano Pesce, aux formes enveloppantes, véritables cocons d’intimité, ou encore le sofa La Cova (1972) de Gianni Ruffi, dont la silhouette de nid invite à une détente ludique et complice.
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L’OBJET
Vespertino, Ornaghi & Prestinari, 2024, galleriacontinua.com
La finesse de ses lignes géométriques, son allure à la lisière du fragile et sa manière de questionner avec subtilité les frontières entre art, design et artisanat, ont captivé notre regard. Repéré lors de l’exposition « Blursday » chez Continua, Vespertino est une sculpture « à vivre » imaginée par Ornaghi & Prestinari, duo d’artistes italiens formés au design et à l’architecture. Au sein de ce cabinet conçu à la main, à partir d’un meuble de rangement en bois des années 60, une poutrelle porte un vase. A l’intérieur, une branche dorée d’olivier, symbole de paix, semble perdre ses feuilles qui viennent se poser, telles des empreintes sur le rebord et dans un tiroir, dans un précieux travail de marqueterie. Une évocation du Care, notion chère à ces héritiers de la pensée d’Alessandro Mendini, interrogeant avec poésie l’état des savoir-faire à l’heure du High Tech.
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