Deux nouveaux-nés et un serial-killer sur les bras : l’inspectrice Grazia Negro a fort à faire. Et le pire vient à peine de commencer…
A Bologne, l’inspectrice Grazia Negro vient d’accoucher de deux jumelles. Elle est convaincue qu’elle va laisser derrière elle la chasse aux criminels et le lot de cauchemars que son métier charrie pour se consacrer à ses petites. Elle ne veut plus penser aux « monstres – elle les appelaient ainsi – auxquels elle avait donné la chasse. Le Loup-Garou, le Pitbull, le Chien, l’Iguane, elle en avait un plein zoo, et même si, une fois pris, elle les oubliait, c’étaient justement les émotions de la chasse qui restaient en elle. Trop. Alors elle avait tout largué (…) ». Sauf qu’à peine l’accouchement terminé, des policiers surgissent et l’embarquent avec ses bébés, pour une résidence secrète, et sous protection. Car l’iguane, justement, l’un des tueurs qu’elle a mis hors d’état de nuire par le passé, vient de s’échapper de l’établissement psychiatrique dont il était censé de ne jamais sortir… Il a commis un massacre au passage, ne laissant derrière lui qu’une infirmière tremblante, cachée sous un évier. Le monstre pourrait bien vouloir se venger non seulement de Grazia, mais aussi de l’ancien amant de cette dernière, Simone. Ce dernier, qui est aveugle, se voit donc contraint de rejoindre son ex dans sa cachette, alors qu’il avait tout fait pour l’oublier – s’enfermant chez lui pour y pratiquer la musculation à outrance…
Roman polyphonique, L’Iguane est construit comme une série de pièges. L’italien Carlo Lucarelli organise toute une géographie de l’enfermement réel ou métaphorique. Ce sont d’abord ses personnages qu’il enferme, chacun à leur façon. Les cachettes se multiplient sans jamais protéger. Les êtres se construisent à eux-mêmess leurs prisons, à l’image de Simone, captif de son chagrin et de son désir d’isolement. Les pièges, ici, sont d’autant plus redoutables qu’ils naissent de l’esprit humain et de ses troubles méandres. L’assassin lui-même ne cesse de se mentir, parant sa rage meurtrière (autre prison mentale) des noms les plus nobles… Carlo Lucarelli à l’art de créer des personnages poignants, et un univers hautement sensoriel. Il connaît bien la poésie des ténèbres, ses séductions troubles et vénéneuses, à l’image de l’un de ses personnages, un chauffeur de taxi : « Il ne le fait pas, le service de jour, il préfère celui de la nuit, quand la ville a plus de magie (…). Les gens qu’on rencontre, l’obscurité venue, sont plus étranges, imprévisiblement étranges, plus dangereux aussi, d’accord, mais ils sont sûrement plus intrigants que ceux du jour (…). » Ténèbres et surprises marchent donc de concert. Car sous la plume experte de Luigi Lucarelli, c’est enfin, bien sûr, le lecteur qui se trouvera piégé. Il faut ici se méfier diablement de ce qui est donné pour acquis. Les fausses pistes se multiplient et s’interrompent dans le sang. Un polar aussi mélancolique que féroce.
L’Iguane, Luigi Lucarelli, traduit de l’italien par Serge Quadruppani, Métailié, 216p., 20€