Regard double sur la danse actuelle du Maroc, avec Taoufik Izeddiou en doyen et Abdel Mounim Elallami pour la nouvelle génération.

Dans les pays du Moyen Orient, où la danse d’auteur est en train d’éclore en étant peu ou pas soutenue, son essor est souvent porté par une personnalité clé. Au Maroc cette égérie se nomme Taoufik Izeddiou, fondateur de la première compagnie, du premier festival et d’une première filière de formation. Ses créations, qui bénéficient du soutien des structures françaises, n’ont rien d’artisanal. Surtout pas le très élaboré duo Hors du monde, une fantaisie en transe pour le danseur Hassan Oumzili et le guitariste rock Mathieu Gaborit aka Ayato, où les dalles lumineuses du sol, le travail ultrasophistiqué sur les éclairages et le son renvoient à une piste clubbing de premier plan. Hassan Oumzili danse pour laisser éclater rage et dérision, dans une dualité de flamboyance charnelle et élévation spirituelle. Tout de rouge (dé)vêtu jusque dans son turban, poussé par la guitare, il entame une longue traversée au bout de laquelle apparaît aussi le chorégraphe, pour sonner les quarqabous dans la tradition gnawa. Le bocal ainsi agité, on passe au solo d’Abdel Mounim Elallami, interprète dans d’autres pièces d’Izeddiou, qui crée Idée, s’inspirant de la gestuelle quotidienne de sa propre mère, mais aussi de ses débuts comme danseur de rue, en hip-hop. Il évoque ici la dualité du masculin et du féminin qui se cache en chacun. Pour en finir avec les « ne pleure pas, tu n’es pas une fille » et autres « la danse n’est pas pour les garçons », injonctions qui ont marqué son enfance marocaine, mais peuvent se manifester sur tous les continents.

Hors du monde de Taoufik Izeddiou
Idée d’Abdel Mounim Elallami, Paris, Le Carreau du Temple, Du 19 au 20 mars