Notre chroniqueur Nicolas d’Estienne d’Orves, désigné dorénavant par l’acronyme NéO, fait paraître le premier tome, L’île de l’orgueil, d’une série sur les septs péchés capitaux. Lecteur, prend garde : cet écrivain est dangereux.
Nicolas d’Estienne d’Orves n’a jamais manqué ni d’ambition ni de souffle. Assez peu porté sur l’autofiction, ce talentueux et productif plumitif a prouvé qu’il excellait dans l’art du thriller avec Les orphelins du mal et dans le romanesque à la française avec sa trilogie La zone grise terminée en beauté avec Ce que l’on sait de Max Toppard. Le revoici aujourd’hui sur le devant de la scène, fier et dressé, avec le premier volet d’un cycle sur les « Sept péchés capitaux » qu’il signe sous l’acronyme de NéO. Avant Les couleurs de la luxure, Pure gourmandise, La si douce avarice, Les enfants de la paresse, Une irrépressible envie et Les forêts de la colère, régalons-nous en pénétrant dans les pages de L’île de l’orgueil. Notre hôte ne fait pas mystère de son amour pour Le double maléfique de Daphné du Maurier et pour Le cavalier suédois de Léo Perutz. Le premier de ses protagonistes est en piteux état quand nous en faisons connaissance. L’homme de quarante-sept ans qui entre chez Decathlon afin d’y acheter une tente Quechua a traversé le chaos. Antoine Roquenaud a été critique musical. L’intuition du massacre, son premier roman inspiré d’un fait-divers qui a marqué son enfance en Auvergne, a été un flop tragique. Parti en Asie en qualité de correspondant de presse, il a dû faire face à quelques mésaventures qui l’ont amené à tâter de la prison et à être enfermé dans une cellule de sept mètres carrés. De retour à Paris, il survit tant bien que mal dans un hôtel miteux de la périphérie quand il se voit recruté pour un contrat extrêmement avantageux financièrement. Le célébrissime et mystérieux Marc Haubergé a besoin de ses services. Auteur à immense succès, ce dernier a toujours refusé d’être pris en photo et accorde une seule interview radiophonique à la parution de chaque nouveau best-seller, une fois l’an à la mi-mai, chez Galion-Flamard. Après sa lecture d’Une seconde nature dont le coup de théâtre final l’a impressionné, Antoine Roquenaud lui a trouvé une voix plus qu’un style ; une manière efficace de raconter des histoires avec des personnages sans chercher à happer l’air du temps. L’illustre prosateur vit en Bretagne depuis dix-sept ans, ce que même son éditeur ne sait pas. Où il est propriétaire d’une île dans le nord Finistère avec ses rochers de granit rose. Où un drame est venu un beau jour entacher son bonheur. « Un romancier a tout à gagner à jouer les fantômes », explique-t-il calmement à Antoine Roquenaud en lui proposant de participer à un étrange jeu de rôle qu’il ne peut refuser. Est-ce un hasard si le nouveau roman de Marc Haubergé a pour titre La transaction ? Affûté en diable, NéO se montre ici à son meilleur. Son Île de l’orgueil regorge de tours et de détours, de trouvailles et de morceaux de bravoure. Un seul problème : une fois refermé, on trépigne d’impatience en attendant un nouveau péché.
NéO, L’île de l’orgueil, Albin Michel, 310 p., 21, 90€