« J’avais choisi de commencer mon essai sur la Nouvelle Vague avec Bardot, alors qu’elle n’y est généralement pas associée ».
Monsieur le directeur du « Département ARTS » de l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm s’amuse de son parti pris iconoclaste, en sirotant une boisson couleur menthe à l’eau. Nous sommes au Rostand, face au Jardin du Luxembourg. Pour un nouvel essai consacré entièrement à BB.
Et Dieu créa la femme… de Roger Vadim sort en 1956. Du jour au lendemain, Brigitte Bardot devient celle par qui le scandale arrive ; jusqu’en 1973, date de son dernier film. « Tsunami esthétique, social, intime », clame de Baecque.
Bardot n’entre pas dans les critères de la Nouvelle Vague. Mais Truffaut s’enthousiasme pour le film de Vadim et sa vedette « qui n’imitent pas la vie » à l’écran. Godard voit BB comme une « étrange plante » qui vit sa vie indépendamment de ceux qui l’entourent, sans même rechercher les passions qu’elles suscitent. Le Mépris (1963) sera son écrin. Clouzeau en avait presque fait une actrice en 1960 avec La Vérité, film de procès à suspense.
La critique établie la traite d’abord de prostituée pour sa « bestialité sauvage » depuis le film de Vadim, puis Bardot sera analysée de manière plus subtile par les femmes écrivains. Duras, dans un texte de 1958 pour France Observateur voit en BB un « cataclysme menaçant le monde des foyers par sa beauté féminine archaïque et sexuelle ». Sagan la décrit en « féline indomptable », et d’ajouter : « Bardot prit les droits naturels de sa beauté, de sa nature, et refusa les faux devoirs avec une belle énergie de guéparde ».
Simone de Beauvoir approfondit l’étude de ce « corps-concept », qui ne « demande rien, pas plus consciente de ses droits que de ses devoirs. Le désir et le plaisir lui semblent plus convaincants que les préceptes et les conventions. »
« Bardot fait passer d’un érotisme à un autre, celui des stars américaines type Marylin à celui de BB, ingénue et décomplexée », souligne de Baecque. « On passe d’une érotomanie sophistiquée et suggérée à un érotisme beaucoup plus directement sexuel. Il y a subversion des rôles, avec une femme très active car c’est elle qui choisit ». Bardot annonce Mai 1968.
La « vamp » croqueuse d’hommes induit la notion de culpabilité et de destin tragique, ce que n’est pas BB, qui consomme librement les hommes. « Elle n’est coupable de rien ; c’est une pécheresse sans faute. BB est une séductrice sans fatum », explique de Baecque.
Malgré les paparazzi et les drames, elle vivra comme elle l’entend « grâce à ses maisons-refuges, son monde de l’enfance reconstitué, ses amis, sa passion pour les animaux » finit de me dire de Baecque.
Les révolutions sociales paraissent plus évidentes quand elles sont guidées par une absolue liberté.
Bardot, d’Antoine de Baecque, Editions Les Pérégrines, 176 p., 16€