Le festival d’Aix-en-Provence aura lieu du 30 juin au 25 juillet. Il vient de dévoiler sa programmation : plongée dans les promesses d’un retour au très grand plaisir lyrique.
Puisqu’à l’espoir les spectateurs d’opéra sont réduits, cette annonce de la somptueuse programmation du prochain festival d’Aix-en-Provence vient à point nommé. Pierre Audi y instille audace, féminité et force dans le choix des diverses créations. Par les huit nouvelles productions dont trois en créations, le festival nourrit, c’est le moins que l’on puisse dire, d’heureuses attentes.
Ainsi, un spectacle de l’édition 2020, la création mondiale d’Innocence de Kaija Saariaho est sauvée du désastre, et reprogrammé cette année. La grande dame de la composition contemporaine, au mysticisme puissant, s’allie à sa compatriote, l’écrivaine finlandaise Sofia Oksanen dans un opéra au lourd secret familial. Oksanen, dont Transfuge saluait il y a dix ans Purge, roman historique à l’indéniable talent romanesque, excelle dans la mise en place de personnages tragiques, qui se prêteront sans mal à la transcendance lyrique de la musique de Saariaho. De très belles voix s’accorderont autour de la direction de Suzanna Mälkki, notamment Sandrine Piau qui inaugurait à Aix dans les années 90 sa haute réputation de cantatrice baroque, et qui la poursuit ici dans la musique inouïe de Saariaho.
Un spectacle qui pourrait être un des grands instants d’opéra contemporain de 2021.
Mais Aix ce sont aussi bien sûr les productions d’opéras célébrissimes. J’ai nommé Tristan et Isolde. Le chef d’œuvre de Wagner entre au répertoire du festival, et s’allie deux grands noms de l’opéra : Sir Simon Rattle qui poursuit depuis plusieurs années à Munich sa réinterprétation symphonique du Ring trouvera là une nouvelle aventure wagnérienne à la hauteur de sa folle énergie. A la mise en scène, Simon Stone. Promesse d’éclat et de furie donc si Stone s’octroie la même liberté que dans sa Traviata, Tristan et Isolde pourraient s’adorer sur les rivages dorés d’Instagram. Ils seront portés par deux immenses voix de l’opéra wagnérien : Stuart Skelton en Tristan, qui déjà donnait sa voix à Sigmund dans le Walkyrie de Rattle, et Nina Stemme, considérée comme la plus grande Isolde actuelle.
Tradition oblige, l’ouverture sera mozartienne, ce seront Les Noces de Figaro qui se joueront dans le Théâtre de l’Archevêché. La direction sera assurée par Thomas Hengelbrock, et à la mise en scène, l’intrépide Lotte de Beer. Une consécration pour la jeune néerlandaise qui présentera dans deux semaines un Aïda à Bastille avec Jonas Kaufmann et prendra la tête de l’opéra de Vienne en septembre. Sur scène, la jeune garde lyrique apparaîtra, ainsi la si désirée Julie Fuchs y incarnera Susanna et Léa Desandre, Cherubino, les deux chanteuses sont d’ailleurs des anciennes de l’académie du festival. Bref, une jeunesse aux manœuvres de l’opéra du jeu de l’amour et du hasard.
Mais l’opéra n’échappera pas à l’histoire, ni au sens tragique de notre ère. Ainsi, l’ambitieuse et singulière création L’apocalypse arabe. Nous immergeant une nouvelle fois dans la musique contemporaine, cet opéra est co-signé Samir Odeh-Tamimi et Edel Adnan. Le compositeur israélo-palestinien et la poétesse libanaise s’y accordent pour porter cinquante-neuf poèmes, récits symboliques des drames du monde arabe, de l’effondrement du Liban et de la Syrie, au djihadisme. Pierre Audi, proche des deux, portera à la scène ce spectacle marqué par la forme antique. Promesse d’un rare moment poétique.
Autre singularité, Combatimento, la théorie du cygne noir, titre associant Monteverdi, Cavalli et Rossi. Sébastien Daucé a choisi dans ce montage de réunir trois grands noms du baroque italien du XVIIe siècle. La metteure en scène Silvia Costa mettra en scène Elle dont on connaît les pièces sophistiquées, s’est frottée à l’opéra baroque dans sa collaboration avec Romeo Castellucci, notamment dans la mise en scène il y a deux ans d’Il Primo Omicidio. La jeune femme pourrait donc faire appel à une même saisissante scénographie, Promesse d’une féérie musicale.
On se réjouit enfin du couple singulier que formeront, le temps du festival, le chef d’orchestre Daniele Rustioni et le metteur en scène Barrie Kosky dans deux productions. La première, Falstaff permet à Daniele Rustioni de poursuivre ce qui l’occupe, entre autres, à l’Opéra de Lyon, son cycle verdien, et à Kosky, que les maisons d’opéras s’arrachent, de nous emporter dans la farce. Le même duo s’attellera au Coq d’or, de Rimski-Korsakov, autre univers, autre modernité pour l’Italien et l’Australien qui marqueront sans aucun doute ce festival 2021.
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