Alors que les foires internationales d’art contemporain à l’ère de la Covid se résument peu ou prou à de monotones viewing rooms, Art Dubaï a réussi son pari de maintenir son édition 2021, faisant figure de miraculée au sein d’un secteur en pleine crise existentielle.
« Ils ne savaient pas que c’était impossible donc ils l’ont fait ». L’aphorisme attribué à Mark Twain et devise éternelle des audacieux mériterait de s’appliquer ces jours-ci aux courageux organisateurs et galeries participantes de la foire d’Art Dubaï qui vient de s’achever dans le Dubaï International Financial Centre, faisant de la manifestation le premier salon international d’art contemporain à se tenir physiquement depuis des mois.
Il y a encore quelques semaines, alors que l’émirat voyait les cas de Covid repartir à la hausse et les restrictions de voyages se durcir aux quatre coins du globe, il paraissait présomptueux de miser sur un maintien physique de la foire, et plus encore d’espérer la réussite du salon de la péninsule arabique.
L’équipe dynamique menée par Chloé Vaitsou (ancienne de Frieze Fairs) et Pablo del Val (directeur artistique), s’appuyant sur une armada de volontaires locaux, aura fait mentir les pronostics au prix de nombreux efforts : dates décalées ; aménagement d’une foire au format réduit dans des tentes installées autour du Gate Building ; mesures sanitaires renforcées avec tests PCR réalisés sur site pour les exposants et allongement de la durée de la foire afin de ventiler l’afflux de visiteurs. Plus encore, Art Dubaï a proposé ce qu’aucune foire n’offre : opportunité de ne rien payer pour les stands en cas d’absence de transaction ; stockage gratuit des œuvres pour trois mois ; travail en amont auprès des grandes collections régionales pour amorcer les ventes…
Un scénario de crise imaginatif qui a porté ses fruits dans une ambiance oscillant entre euphorie et incrédulité, tant le plaisir de la présence physique des œuvres et des discussions passionnées avec des interlocuteurs de chair et d’os ont semblé propager les saveurs oubliées du « monde d’avant ».
Le format restreint de la manifestation ne comptant que cinquante exposants (dont un quart de galeries locales et un autre quart de la scène moyen-orientale élargie, de Marrakech à Djeddah en passant par Le Caire) aura sans doute laissé certains visiteurs, habitués à l’offre pléthorique des « méga-foires », sur leur faim.
Ce serait bouder son plaisir tant, même amputée, l’édition 2021 d’Art Dubaï ménage de belles surprises. C’est le cas notamment du côté des artistes africains que l’on pense aux céramiques anthropomorphes de la mozambicaine Reinata Sadimba (Perve Galeria) ; aux collages flottants et sensuels de l’artiste nigériane installée à New York Nkechi Ebubedike (TAFETA) ; aux dessins rouge sang de Nú Barreto (Nathalie Obadia) ; aux toiles du maître de la peinture éthiopienne Tadesse Mesfin (Addis Fine Art). Les artistes iraniens (Ali Banisadr chez Custot ; Farrokh Mahdavi chez Dastan; le trio formé par les frères Haerizadeh et Hesam Rahmanian chez Isabelle van den Ende, Shahpour Pouyan chez Lawrie Shabibi…) et indiens (Sudarshan Shetty chez Templon, Nikhil Chopra chez Continua) sont également à l’honneur aux côtés de blockbusters internationaux (dont Murakami et JR chez Perrotin), et d’excellents artistes du cru (l’artiste historique émirati Hassan Sharif).
Mais plus encore que par son contenu, Art Dubai 2021 aura marqué les esprits par un geste collectif, celui d’aller de l’avant.
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