Suivez le guide ! Hubert Haddad nous embarque dans Mā, une randonnée japonaise en forme de balade poétique.
C’est le troisième conte japonais d’Hubert Haddad (après Le Peintre d’éventail et Les Haïkus du peintre d’éventail, publiés conjointement en 2013), et l’ouvrir est comme reprendre le fil d’un rêve. C’est une folie, un voyage imaginaire dans un Japon mythique, mythologique, en majesté. Et c’est une histoire d’amour enfin, dans laquelle on trouvera matière à philosopher, à méditer, à marcher ou à s’enivrer.
Shoichi aime Saori, qui a consacré son existence entière – et son œuvre – à Santoka a traversé le Japon, à pied, avec « du saké pour le corps » – vraiment beaucoup – et « du haïku pour le cœur ». Shoichi perd Saorin et se jette sur les pas de Santoka. « La marque mène au paradis, dit-il, tout de go. Il n’y a pas d’autres moyens d’y parvenir, mais il faut marcher longtemps. ». Par sa littérature, son imaginaire débandé, toute la folie et la poésie qui s’en échappe, Haddad nous propose un livre qui a tout d’un crapahut ; le rythme, le souffle, les palpitations, les temps de pause. À l’instar de la marche, sa lecture est difficile, laborieuse même, parfois. Comme ces cols arides que l’on gravit dans la peine mais au détour desquels on voit, enfin, la splendeur ; elle se mérité. Mais on le sait, quand le corps expie, il oublie, alors que quand l’esprit jouit, il se souvient. Et longtemps il se souviendra de ces Bout-du-Monde « haddadiens » giflés de mélancolie, de ces forêts fantastiques que Tolkien a – c’est sûr ! – un jour traversées (au moins en songe), des caresses du vent aussi frémissantes que la main d’un amoureux, de ces soleils tièdes du petit matin, encore rafraîchis par leur course après la lune, de ce cosmos en action, avec sa saine cacophonie qui rappelle que le dernier jour n’est pas encore arrivé… Haddad a écrit sur la Palestine, sur l’Afghanistan, sur les hommes et sur les femmes, sur la féerie, sur la furie des fanatismes. Dans Mā, il réinvente un Japon d’hier ou d’ailleurs, il redessine des horizons que l’on croyait perdus ou inaccessibles depuis l’autre monde, le nôtre, « l’outre » monde. Bien sûr, ce n’est qu’un fantasme fabuleusement articulé. Mais comme le disait Thomas de Quincey, tout ce qui est écrit existent dès lors qu’ils sont dits. Les livres d’Hubert Haddad existent, ses mondes des merveilles aussi, c’est acquis, et pour cela, rendons-lui grâce. Le roman peut tout.
Mā, Hubert Haddad, Zulma