À la Colline, Pauline Bureau fait de la gestation pour autrui une évidence, en balayant d’un revers de main naïf autant que caustique polémiques et préjugés.
Le 4 août dernier, la loi de bioéthique publiée au journal officiel élargissait l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes célibataires et supprimait le critère médical d’infertilité. Ce pas décisif vers l’égalité des droits ne tient pas compte de tous les cas de figure. Que faire pour celles qui, suite à une maladie maligne, n’ont d’autre choix que l’ablation de l’utérus, réduisant toute chance d’un jour être mère ? Observatrice acérée de nos sociétés occidentales et contemporaines, féministe engagée, Pauline Bureau invite dans sa dernière pièce, Pour autrui, à une réflexion autour de la question de la maternité, de l’enfant à tout prix.
À 34 ans, Liz est une « bobo » heureuse, comblée par la vie. De par son métier, maître d’œuvre de chantiers spécialisés dans les toits végétalisés et les habitats écoresponsables, elle voyage beaucoup. Un soir de tempête de neige, elle fait la connaissance d’Alexandre, un charmant marionnettiste. C’est le coup de foudre immédiat. Très rapidement, ils s’installent ensemble et l’annonce d’un futur bébé vient couronner leur amour. Mais, le tableau était trop idyllique, trop beau. Une fausse couche tardive et la découverte d’une tumeur utérine rompent le fragile bonheur et anéantissent toute chance de fonder une famille, d’être parents. Incapable de se résoudre à ne jamais être mère, à ne pouvoir assouvir ce désir souverain qui tiraille son cœur, son âme, Liz, soutenue par sa sœur infirmière aux États-Unis, va défier les lois de la République, de la nature et tenter une GPA.
Avec beaucoup de pudeur, Pauline Bureau aborde ce sujet délicat, brûlant qui fait débat en France et divise profondément notre société. Loin de chercher la polémique, de tenter par mille arguments de convaincre, l’autrice et metteuse en scène fait le récit d’une vie, d’un cas particulier. Elle énonce un fait : pour être une femme parfaite, accomplie dans notre pays, il faut donner naissance à un enfant. Ce mantra profondément ancré dans l’inconscient de Liz conditionne son choix, sa volonté de tout tenter pour combler une envie, une aspiration, celle d’être mère. Le geste artistique peut paraître incrédule, candide tant tout paraît simple pour Alex et Liz. La famille, surtout la mère, magnifiquement interprétée par Martine Chevalier, s’oppose mollement au projet. La mère porteuse est une amie de sa sœur, une jeune infirmière qui aime être enceinte, mais ne souhaite pas d’autres enfants. Ici, tout est une question de don, de cadeau. Tout est simple et fluide, un peu trop peut-être pour totalement séduire.
Empathique avec l’histoire de cette femme devenue stérile suite à une hystérectomie, incarnée par la toujours extraordinaire Marie Nicolle, comédienne fétiche de Pauline Bureau, on se laisse prendre au jeu. Mais sur le fond rien ne change, que l’on soit pro ou anti GPA, Pour autrui ne chamboule pas les convictions profondes de chacun, mais fait croire en l’amour, à la force du désir, à la potentialité de tous les possibles.
Pour Autrui, texte et mise en scène Pauline Bureau, du 21 septembre au 17 octobre au Théâtre de la Colline.
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