La comédienne Georgia Scalliet s’annonce comme une figure centrale de la nouvelle création d’Alain Françon, La Seconde Surprise de l’amour. Un bijou de Marivaux qui se joue ce mois-ci, au Théâtre national de Strasbourg.
Comment faire le portrait d’une brillante comédienne qui préfère parler d’autrui ? Pas facile… Mais on peut déjà supposer que Georgia Scalliet a le goût du risque. Et l’aisance de passer joyeusement d’une façon de travailler à une autre, de la Comédie-Française à la télévision, du Tg Stan à Alain Françon. C’est justement ce dernier qu’elle retrouve avec bonheur dans La Seconde Surprise de l’amour, qu’elle répète à Lille, lors de notre rencontre. Alain Françon, qui fut son professeur à l’ENSAT, l’avait proposée pour le rôle d’Irina, en 2009, dans sa mise en scène des Trois Sœurs– pour laquelle elle obtiendra un Molière- à la Comédie-Française où elle entre donc, à l’âge de vingt-deux ans. Lorsque je lui demande si c’était un rêve de petite fille, l’actrice, qui a grandi dans la campagne dijonnaise d’une mère américaine et d’un père d’origine belge, récuse sincèrement : « j’ai su dès l’enfance que je voulais faire du théâtre mais je n’ai jamais voulu vivre à Paris. Lorsque je suis entrée dans le bureau de Muriel Mayette pour signer mon contrat, c’était la première fois que je mettais les pieds à la Comédie Française ! ». Elle y passera dix ans. Dix années durant lesquelles elle joue -entre autres- sous la direction de Stéphane Braunschweig, Robert Carsen ou Jacques Vincey. Et Thomas Ostermeier pour lequel elle est une prodigieuse Viola dans La Nuit des Rois. L’un de ses derniers rôles. Car cette maison dont elle adore la troupe, qui, me confie-t-elle, émue, l’a « portée, soutenue, entourée », elle la quitte en 2019. Sans calcul, mobilisée par « la peur excitante de tout remettre à plat » et l’envie de se poser. « Je voulais expérimenter le vide mais j’ignorais que le monde entier ferait la même chose que moi en même temps », me dit-elle en éclatant d’un rire communicatif. Pour autant, la pétillante Georgia Scalliet n’a pas chômé. Depuis le confinement, elle tourne pour le cinéma (aux côtés de Sandrine Kiberlain et Vincent Macaigne dans le prochain film d’Emmanuel Mouret) et la télévision, notamment dans Parlement. Si le métier reste le même, elle me confie avoir encore à y apprendre. « Il faut être fulgurant. J’ai beaucoup de progrès à faire mais j’aime changer de terrain de jeu ». Son appétence pour les façons de travailler différentes, Georgia Scalliet l’assouvit aussi auprès des Tg Stan, avec lesquels elle joue Après la répétition d’après Bergman. Le travail du collectif, dont la caractéristique principale est de ne jamais répéter sur scène avant la première, la stimule. « Ce qui a été très fort c’est d’être responsable de A à Z de ce que je fais, de la scénographie, des costumes. Ne monter sur scène que lorsque le public arrive, c’est comme un grand saut en parachute, sauf qu’on n’est pas certains d’en avoir un ! ». Une manière de travailler différente de celle de Françon. « C’est quelqu’un d’exigeant, qui pose des contraintes énormes mais avec une liberté infinie dedans. Jamais il ne dira à un acteur ce qu’il doit ressentir. Il cherche à accueillir et ne se met jamais en avant ». Une pudeur à la mesure de la grâce d’une comédienne aussi audacieuse que talentueuse.
La Seconde Surprise de l’amour de Marivaux par Alain Françon, du 24 mars au 1er avril au Théâtre national de Strasbourg.