Le chorégraphe sud-africain Gregory Maqoma, qui lie tradition et problématiques sociétales, répond à l’invitation du Ballet de l’Opéra de Lyon. Sur scène, cinq femmes et une « boîte magique ».
C’est un vrai pas-de-côté. La première création de Gregory Maqoma sans lien apparent avec le contexte sud-africain, sa première proposition reçue de la part d’une maison européenne, risque de laisser des traces. Si Julie Guibert directrice du ballet de l’Opéra de Lyon, lui confie une partie de ses interprètes, il n’entend en rien dévier de sa route, sur laquelle il allie mouvement et chant, notamment avec l’ensemble Via Katlehong de Johannesburg et leur danse pantsula, développée sous l’apartheid, dans les townships. Et pourtant il y a du nouveau, car il s’engage ici à créer une communauté de femmes et investir une région imaginaire qu’il appelle The Valley of Human Sound, la vallée du son humain. C’est justement en travaillant avec des musiciens de tous bords – le quatuor jazz d’Erik Truffaz en 2014 ! – qu’il a su construire des liens entre les continents. A Paris, on l’a vu autant au Théâtre de la Ville qu’à La Villette et bien sûr ailleurs en France, notamment à La Maison de la Danse de Lyon. Son propre ensemble de danseurs, le Vuyani Dance Theater, est aujourd’hui la plus importante compagnie de danse contemporaine d’Afrique du Sud, dans un style intemporel reflétant les études de Maqoma à Bruxelles, au sein de l’école P.A. R.T.S., grand laboratoire d’expérimentations artistiques. Il est d’autant plus un chorégraphe universel que ses premières inspirations lui sont venues de la rue et du petit écran, en s’adonnant à la soul et aux pas de Michael Jackson.
En 2017, en créant à Lyon Via Kanana avec Via Katlehong, il disait : « Je ne peux pas nier ma propre histoire, mais je revendique d’exister tel que je suis. » A Lyon, il pourra, en créant avec quatre danseuses de l’ensemble du ballet de l’Opéra, se découvrir quelques nouvelles cordes à son arc, d’autant plus que la cinquième femme embarquée dans l’aventure n’est autre que la chanteuse Élise Caron. C’est elle qui compose les musiques, écrit les textes et les interprète sur scène. Avec la complicité de Maqoma, le quintet va joyeusement dynamiter quelques rôles-types assignés aux femmes : la mère, la guerrière, la sorcière… Car il y aura une « boîte magique » sur scène où les femmes font communauté face aux hommes, même si ceux-là sont physiquement absents. « Cette boîte magique est comme le monde, c’est un puzzle. L’objet a des portes et c’est à ces femmes de faire leurs propres choix : entrer dans leurs vies, mais aussi en sortir », commente le chorégraphe. En 2017, il expliqua au sujet de l’Afrique du Sud : « Nous avons la constitution la plus libérale, qui protège les femmes, les enfants, les homosexuels avec des droits égaux. » Mais relativise aussitôt : « Lorsque nous avons obtenu la démocratie, le peuple a reçu une promesse qu’il attend toujours. Au lieu de cela, quelques-uns continuent à s’enrichir tandis que la majorité a faim. » Autant dire qu’il est sensible à la question de l’égalité et que ce spectacle entend semer de tels questionnements chez un public à partir de sept ans. Il y aura de quoi débattre au sein de la famille…
The Valley of Human Sound, Gregory Maqoma, Opéra de Lyon, du 17 au 30 décembre, Lyon, Théâtre de La Croix-Rousse
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