Dans le cadre du festival Hors Pistes au Centre Pompidou, onze installations d’artistes contemporains interrogent l’âge de nos images.
Comment les images vieillissent-elles ? Le fantasme de l’immortalité d’un cliché est beau, il nous maintient en vie. Les images, nous en sommes certains, nous survivront. Qui n’a jamais regardé un vieux film de famille, aux bords des larmes, tant l’image ressuscite l’émotion et l’âme des disparus. Les images sont en quelques sortes une expérience de la mort, passée ou à venir, et il nous reste cette impression qu’elles resteront figées dans le temps. Rappelons-nous du film Boyhood de Richard Linklater (2014) dont la réalisation sur douze ans a suivi l’entrée dans l’âge adulte d’enfants d’une famille texane. Le temps du cinéma n’y était plus court-circuité dans un format d’à peine deux heures. Au contraire, on peut dire que les images ont pris de l’âge en même temps que leurs protagonistes. Grand âge exploré dans les installations vidéo de l’exposition, interrogeant le rapport des images au temps qui passe, leur décalage face à la contemporanéité – puisqu’une image devient presque immédiatement archive – et leur capacité à vieillir ou non en miroir de nos réalités.
Ce que le duo Silvia Maglioli et Graeme Thomson appellent « gestes cinématographiques tardifs » dans sa vidéo Late Gestures montre la dichotomie opérante face à une image qu’on sait surannée et qui pourtant devient la plus prophétique et la plus immortelle de toutes. Et caractérise le plus souvent les films qui ont fait date. Tel Le Mépris dont la scène d’amour d’ouverture entre Brigitte Bardot et Michel Piccoli est reprise, rejouée par un autre duo d’artistes, Judith Cahen et Masayasu Eguchi, pour tenter d’en réactualiser le sens et d’y déceler l’irréversible vieillissement émotionnel. « Le cinéma est le média privilégier pour constituer la possibilité de toute mémoire » écrivait justement Godard. Mémoire d’une matière en déliquescence – le film expérimental de Barbara Hammer tente de retranscrire visuellement le vieillissement de la mémoire de sa grand-mère tandis que Bill Morrison enregistre la décomposition de la matière filmique à partir d’un vieux tirage détérioré du film The Bells de James Young – ou enregistrement du passage du temps dans les installations des étudiants de l’Ecole des Beaux-Arts de Marseille, filmant en gros plan un tatouage en train de cicatriser ou partageant le témoignage du quotidien de femmes âgées.
L’âge des images a peut-être une fin, nous murmure Grégory Chatonsky en nous mettant face, dans son installation eschatologique Disnovation v.1, à notre futur vieillissement au sein d’une intelligence artificielle vouée à supplanter nos corps, nos esprits et nos âmes. Pourtant, tout le propos de Lifer Heritage, troisième installation des étudiants marseillais, est d’interroger une problématique à laquelle peu d’entre nous avait réfléchie jusque-là, celle de la préservation de nos souvenirs et de nos lieux de mémoire virtuels à travers l’exemple de la plateforme Second Life qui a déjà 20 ans. Question d’autant plus prégnante à l’heure de l’arrivée massive des métavers. Dans la vidéo principale, tournoie le premier cube virtuel créé au sein de la plateforme. Relique, icône de notre mémoire virtuelle collective.
Exposition Dernière Séquence, Festival Hors Pistes, 17e édition, jusqu’au 6 février, Centre Pompidou.
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