Trois célèbres amateurs de musique prescrivent dans un joyeux petit dictionnaire amoureux leur musique de coeur pour nous guérir de tous les maux.
On connaît tous ce moment où l’un demande à l’autre : « Et toi, t’écoutes quoi sous la douche ? ». Selon la nature de l’échange, on peut y voir une invitation à se dénuder pour ensuite se laver ensemble ou alors une façon détournée de savoir quelle musique vous donne du baume au cœur et vous permet d’affronter mieux le quotidien. C’est sur ce postulat que trois estimés mélomanes ont conçu cet épatant Remèdes musicaux que l’on consulte, fouille, épingle, corne avec autant de fébrilité et de joie que s’il s’agissait d’un bréviaire amoureux assorti d’un VIDAL. Comme l’expliquent les trois apprentis musico-thérapeutes : à la différence de la littérature – qui avait elle aussi eu droit à ses Remèdes – ces élixirs musicaux là peuvent agir sur nous « comme des drogues à l’effet immédiat susceptible de s’emparer de notre personne, de la mettre en joie ou en larmes sans nécessairement passer par le biais d’un récit mais en faisant frissonner notre chair tout en subjuguant notre esprit ». Alors, voilà Michka Assayas prodiguant ses amphétamines rocks, Alexandre Fillon nous refilant chants, troubadours et chansons en guise d’antidotes tandis que Benoit Duteurtre prescrit classiques plus ou moins classiques, opérettes et sonates. Ils sont rejoints par intermittence par Jean-Louis Bachelet « voyageur singulier au cœur de l’histoire musicale » qui, aux détours de deux trois accords guérisseurs, nous apprend que « la Russie a mené de nombreuses recherches sur les propriétés thérapeutiques de certaines mélodies. ».
Les cousins de Moscou conseillent ainsi aux fumeurs comme aux alcooliques d’écouter Le Signe de Saint Saëns ou La tempête de neige de Sviridov, aux irritables de se pencher sur le concerto italien de Bach et que rien ne vaut La valse des fleurs de Tchaïkovsky pour soigner un ulcère à l’estomac. Quant aux autres médecines du livre, il faudrait un numéro entier de Transfuge pour recenser tous les conseils prodigieux écrits avec doigté et style par ces trois gastro-musicologues. Notons qu’en cas d’impuissance, il ne faut pas déprimer mais ouïr Slows de Barry White que l’on appelle aussi le Bedroom singer. Si vous manquez comme moi d’imagination, faites tourner Papillons et autres pièces pour piano de Robert Schuman parce que lui, Schuman n’en manque point. Si vous voulez supporter les embouteillages sans pester contre la terre entière, Alexandre Fillon recommande Quand t’es dans le désert : « Très vite, vous commencez à tapoter des doigts sur le volant en secouant la tête avec énergie. Vous montez le volume alors que la circulation reste bien molle. Pourquoi ne pas enchaîner avec la chanson C’est dur d’être un héros, qui ouvre en beauté le deuxième album de Jean-Patrick Capdevielle ? Le plaisir est le même. Allez, vous voilà reparti(e) ! »Enfin, comment résister au plaisir de citer mon passage favori quand Assayas explique que pour se guérir de la tristesse d’un printemps pluvieux, rien ne vaut Linden Arden Stole The Highlights de l’immense Van Morisson : « Quand cette voix vous enveloppe, tout en vous s’élève et rayonne. ». Pour avoir expérimenté ce tranquillisant, je peux témoigner que ces médecins-là ne sont pas des charlatans et que leurs drogues fonctionnent à bloc.
Remèdes musicaux de Michka Assayas, Benoit Duteurtre et Alexandre Fillon (avec la collaboration de Jean-Louis Bachelet), Buchet Chastel