Dans le cadre des soirées Nomades de la Fondation Cartier, Nach remonte le fil de ses souvenirs de « krumpeuse » et esquisse le portrait de l’artiste qu’elle est devenue en conjuguant avec virtuosité mots et mouvements.
En ce lundi gris et pluvieux, la Fondation Cartier pour l’art contemporain est fermée. Rien ne semble filtrer de ce qui se trame derrière les immenses verrières qui servent de devanture à cet extraordinaire endroit qui abrite actuellement Heliotropo 37, la première grande exposition française consacrée à l’œuvre de la photographe mexicaine Graciela Iturbide. Dans les sous-sols, quelques personnes s’agitent, installent une scène improvisée, font les derniers réglages. Dans quelques minutes, Nach va prendre possession des lieux, raconter son parcours et faire vibrer l’atmosphère de son aura si singulière.
Sur des banquettes de bois assez spartiates, un public très hétéroclite s’installe. La petite salle est au maximum de ses capacités d’accueil, quand les premières images projetées sur l’écran blanc installé pour l’occasion, donnent le ton. Elles sont toutes issues de Rize, documentaire de David LaChapelle sortie en salle au début de l’année 2005. À l’époque la Balbynienne Anne-Marie Van a tout juste 18 ans et cherche quoi faire de sa vie, de son corps. En découvrant Le KRUMP – acronyme anglais pour Kingdom Radically Uplifted Mighty Prais – danse cathartique, guerrière, puissante, née dans les banlieues pauvres et afro-américaines de Watts, à Los Angeles, elle sent au plus profond de son être quelque chose à changer. C’est comme une révélation. Enchaînant les petits boulots, tout en passant de nombreuses après-midis sur la dalle de La Défense ou devant l’Opéra de Lyon, où elle est partie vivre un temps, la jeune femme met suffisamment d’argent de côté pour s’offrir un séjour aux États-Unis et partir sur les traces de ceux qui sont devenus ses héros. Rapidement, elle les rencontre, s’initie à cet art qui transfigure par le mouvement des décennies d’oppression subies par les communautés afro-américaines déchirées dans les guerres de gangs. De battles en rituels, elle gravit les échelons, entre dans le cercle fermé des « krumpers » et devient Nach.
Toujours en mouvement, la danseuse ne cesse de grandir, de développer son art. Bientôt, l’envie de se dépasser chevillée au corps, elle quitte un temps sa famille Krump pour naviguer vers d’autres horizons. L’Espagne tout d’abord où elle se frotte au Flamenco, puis le Japon où elle est lauréate d’une résidence à la Villa Kujoyama afin d’étudier le Buto, Nach affine son écriture, l’enrichit, lui donne une rondeur, et une densité saisissante. Il suffit de voir comment elle se meut, la manière dont elle conjugue mots et gestes, pour être totalement envoûté.
Déployant lors de cette conférence dansée, tout un vocabulaire, qu’aussitôt elle exécute, la danseuse et chorégraphe invite à découvrir les « stomps », frappes de pieds rapides qui s’abattent net sur le sol, les « chest pops », soulèvements rapides de la poitrine, les « armswings », les « jabs », projections des bras rapides, et enfin les « buck faces », grimaces du visage. Puis avec une grâce infinie, refusant de quitter la place sans avoir offert une vraie performance, elle convie au plateau trois de ses camarades de jeu dans un battle final explosif. Un moment époustouflant !
Nulle part est un endroit de Nach.
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