Premier long-métrage du monteur de Terrence Malick qui à la manière de celui-ci retrace l’enfance d’Abraham Lincoln. En salles mercredi 13 avril.
À la fin de Vers sa destinée de John Ford, le jeune avocat Abraham Lincoln quittait la salle de tribunal où il venait de réaliser son œuvre de justice et gravissait une petite colline. Aux notes de His truth is marching on, la pluie s’abattait avec fracas sur lui, symbolisant la Guerre de Sécession à venir où le futur président allait réaliser son destin mais aussi celui des États-Unis d’Amérique. Des décennies plus tard, Steven Spielberg essayait de comprendre de quelles façons les questions intimes auxquelles était confronté le président Lincoln influent le stratège politique qu’il était devenu ? La personnalité de Lincoln demeure un mystère pour ses compatriotes qui, de films en publications incessantes, ne cessent de vouloir la décrypter comme un mystère sacré. A.J Edwards poursuit l’enquête en remontant encore plus à la source que Ford puisqu’il explore la petite enfance d’Abe. Ce projet est né d’une discussion qu’il a eue avec Terrence Malick sur le tournage de Tree of Life en 2012, dont Edwards était le monteur. À partir des entretiens réalisés par Dennis Franck, le cousin de Lincoln avec lequel il a grandi, le film raconte trois années déterminantes de sa jeunesse, entre 9 et 12 ans. Aux côtés de sa sœur et de ses parents, Abe déménage du Kentucky dans l’Indiana. Il y perd sa mère adorée et est élevé avec son cousin par son irascible père avant que celui-ci trouve une seconde épouse. D’abord distant avec elle, le jeune homme se laisser peu à peu séduire. Avec patience, elle l’accompagne dans ses études. Lincoln finit par l’accepter et l’aimer au point de l’appeler plus tard « Mon ange, ma mère ». C’est donc à un récit initiatique malickien auquel nous convie Edwards : une exploration musicale et sensitive d’une époque de deuil, d’expériences douloureuses puis heureuses, une évocation cinétique des mouvements d’une jeune âme en apprentissage. Impossible de ne pas penser au réalisateur du Nouveau Monde devant ces plans giratoires filmés avec de grands angles au milieu d’une nature extraordinaire où la voix du cousin distille quelques mots évocateurs sur la beauté de l’univers et la douceur d’Abe. Difficile de ne pas songer au réalisateur des Moissons du Ciel devant ce montage de réminiscences, de gestes amplifiés par des compositions romantiques, de la Symphonie n° 2 de Kalinnikov à la 8e de Bruckner. Il faut voir ce film comme un retable supplémentaire d’une gigantesque fresque américaine dont Malick serait le maître d’œuvre à la manière des grands artistes dans les ateliers de la Renaissance. Après avoir peint la conception de l’Amérique dans Le Nouveau Monde, il a confié à son élève le mieux initié à ses mystères (qui mieux que le monteur de Malick pour comprendre la nature du geste de son cinéma ?) le soin de réaliser un panneau en noir et blanc sur l’enfance de celui qui a conduit l’Amérique vers son accomplissement mythique. Difficile de dire avec ce film pastoral, lyrique et inspiré si Edwards est d’ores et déjà un grand cinéaste. C’est en tout cas le plus doué des cinéastes malickiens actuels. Comme les dévots et fidèles du maître égrainent de partout, c’est dire si celui-ci est promis comme son héros à un glorieux destin.
Sous l’aile des anges, A.J Edwards, Ed distribution, Sortie le 13 avril
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