À la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, la 8ème édition du concours national de micro-architectures Mini Maousse imagine notre futur sur l’eau.
Au fil de l’eau, laissons dériver nos rêves. L’image est éthérée. Sur l’affiche de l’exposition, au milieu de l’océan, un couple, nu, se prélasse sur une fine structure de bois circulaire. Sieste méditative au bord d’une piscine naturelle, profonde, sauvage. Ce radeau des mers vogue au gré du vent dont le souffle agite le drapé de voilages translucides. Créé en 2015 par un groupe d’étudiants en architecture au large de la capitale maltaise, cet îlot flottant répond à la quête utopique d’un ailleurs habitable, microcosme capable de changer le monde. Évoquant aussi l’initiative du militant italien Giorgio Rosa en 1968 qui décidait de construire son Utopia miniature, au-delà de toute juridiction étatique. L’île de la Rose (dont l’incroyable histoire est racontée dans un film sorti en 2020), territoire indépendant, avec son restaurant, son bureau de poste, son bar et sa boîte de nuit, devint rapidement un espace de liberté gênant pour l’État italien – qui le fera couler dans les grandes profondeurs – obligeant l’ONU à repousser les limites des eaux internationales au large des côtes…
Le temps a passé mais nul n’ignore combien l’engagement écologiste s’est amplifié sous l’impulsion de l’urgence climatique. Et avec lui, au long des dix dernières années, le développement spectaculaire des micro-architectures modulaires. Structures pratiques, durables, économiques, épousant facilement les variations des éléments naturels. On connaissait les jardins et les marchés flottants, voici désormais un sauna flottant en Finlande, une station météorologique ancrée dans la Tamise, un cinéma flottant dans un lagon thaïlandais, une école sur l’eau au Nigeria, une piscine écologique flottante sur la Seine, et même une galerie d’art immergée aux Maldives… Les projets s’emballent à travers le monde. L’exposition en montre une cinquantaine. De l’utopie première, liée à l’observation du monde, découle désormais des solutions durables et scientifiques, porteuses d’espoir, dans la lignée de la base de vie sous-marine de Jacques Rougerie et de l’abri flottant de Guy Rottier, deux architectes pionniers sur ces questions.
Conscients des défis climatiques et environnementaux à relever, les étudiants en architecture, art et design d’aujourd’hui rivalisent d’imagination pour la planète. Invités par Mini Maousse à réfléchir sur le thème de l’aquacabane, leurs îles merveilleuses (qui ne dépassent pas 50 m2) s’exposent à travers 29 maquettes (dont 6 lauréats). Entre deux rives ou au large d’une baie, un radeau déchetterie vient dépolluer la Seine, une île artificielle régénère les écosystèmes sous-marins, un abri flottant accueille les migrants des mers, une bibliothèque à moitié immergée sert de mémorial à l’humanité. Peut-on y voir les prémices de nos cités futures ? À l’image du projet Oceanix City, présenté le 14 avril 2019 aux Nations Unis par le cabinet d’architectes danois Bjarke Ingel Group : une ville flottante, modulable, durable, capable d’accueillir dix mille résidents. Eminemment poétique et engagée. Post-anthropocène.
Exposition Mini Maousse 8, Et vogue l’architecture ! Projets flottants à l’ère du changement climatique, jusqu’au 11 juillet 2022, Cité de l’architecture et du patrimoine, citedelarchitecture.fr