Alors qu’il prépare un concert à la Philharmonie, le directeur musical de l’Orchestre national d’Île-de-France, dit l’ONDIF, dresse un bilan de son travail avec cette formation qui s’attache à faire découvrir la musique classique au plus grand nombre.
On le croirait sorti d’un film américain des années 1950. Fringant, dynamique, précis dans le choix de ses mots et de ses gestes, Case Scaglione est un chef-né et les musiciens de l’Orchestre national d’Île-de-France ne doivent pas en revenir d’être tombés sur lui. Ses parents, texans d’origine mexicaine et sicilienne, travaillaient dans les assurances quand il a vu le jour, le 31 juillet 1992, à Houston. Mais ils étaient également mélomanes et c’est ainsi qu’à l’âge de huit ans, à la faveur du désistement d’une babysitter, il a assisté à une représentation du Tristan und Isoldede Wagner, au Grand Opera de la ville. « J’étais émerveillé par la musique venant de la fosse, fasciné de voir qu’un homme pouvait produire cela par la seule force de ses mains, et j’ai décidé secrètement de devenir chef », raconte-t-il entre deux répétitions. Enfant, il a appris le trombone, tout en pratiquant le basket assidûment, d’où, sans doute, sa prestance aujourd’hui. Puis il s’est plongé dans les partitions de Mahler et de Beethoven. « Il y a une égale pureté d’esprit dans leur musique, une grandeur qui ne peut que toucher un adolescent dont la vision du monde et les sentiments sont généralement puissants et exaltés, qu’il s’agisse d’espoir, de nostalgie ou d’amour ».
Il rend hommage à l’excellence du système éducatif texan qui lui a permis de prendre la direction de la fanfare scolaire. « On jouait des transcriptions d’œuvres de Ravel, de Richard Strauss, de Respighi. Il régnait un véritable esprit de compétition entre nous, à tel point que dans la classe de trombone du Curtis Institute de Philadelphie, tous les étudiants venaient du Texas, et que nombre de mes amis ont fini au San Fransisco Symphony Orchestra ou au Metropolitan Opera de New York ». Après s’être inscrit au Cleveland Institute of Music, il a suivi l’académie d’été de David Zinman à Aspen, dans le Colorado. Le chef newyorkais lui a appris à obtenir un son d’orchestre précis et parfaitement équilibré. « Mais je continue à être fasciné par le côté extraverti et rugueux d’un Leonard Bernstein autant que par le style plus intériorisé de Karajan ; par les audaces et les libertés prises avec la partition de Furtwängler, qui a forgé cette sonorité d’ensemble caractéristique du Philharmonique de Berlin, que par Carlos Kleiber ». Il cite, en exemple du génie de ce dernier, la fameuse Symphonie N°6 de Beethoven captée en concert, en 1983, au Staatsoper de Munich : « la pièce a été jouée mille fois et pourtant, avec lui, l’encre semble toujours fraîche sur la page ».Scaglione a suivi ensuite un cursus de perfectionnement avec Michael Tilson-Thomas et André Prévin, au Peabody Conservatory de Baltimore, puis est devenu l’assistant d’Alan Gilbert au prestigieux New York Philharmonic. « Il m’a appris le métier, les relations avec les compositeurs, dont Christopher Rouse et Thomas Adès, et avec les solistes invités, mais aussi à gérer les réunions administratives, en mentor, en ami. Je suis devenu chef associé, poste créé pour moi et qui fut supprimé après mon départ pour Berlin. Je voulais aller en Europe, à la source de cette musique, pour apprendre à mieux lui rendre justice ». Depuis 2016, Case Scaglione partage son temps entre Heilbronn, dont il dirige l’orchestre, et Paris. L’an dernier, il a dû préparer 70 œuvres différentes. Il faut y ajouter les expériences qui ne se refusent pas comme de diriger Elektra, au printemps dernier, à l’Opéra-Bastille. « Heureusement, avec l’ONDIF, ça a collé dès la première répétition. A l’époque je ne parlais pas un mot de français, mais ils se sont adaptés à mes méthodes. C’est un orchestre engagé, avec une vraie éthique de travail. Quand des musiciens se plaignent, ce n’est pas pour réclamer des avantages ou des congés mais plus de répétitions, afin d’être encore meilleurs. De notre premier CD, une Symphonie N°3 de Beethoven que l’on ne pensait même pas sortir, à nos programmes de musique française ou allemande, je n’ai eu que des satisfactions. Je ne pourrais rêver mieux ».
Viva Espana, Maurice Ravel, Richard Strauss, Philharmonie de Paris, direction musicale Case Scaglione, 11 octobre. Orchestre national d’Île-de-France