Le Grand Prix de Littérature américaine 2022 a été remis hier à Anthony Doerr pour La Cité des nuages et des oiseaux ( Albin Michel). Une ode à l’humanisme et au patrimoine littéraire mondial.
Fringant, Anthony Doerr s’est présenté hier soir chez Joe Allen en costume clair et baskets blanches, avec son épouse, pour recevoir le Prix de Littérature Américaine. Difficile de croire que quelques jours plus tôt, il luttait contre les bourrasques de neige qui se sont abattues sur l’Ohio, où il habite, et écrit ses livres, depuis plus de vingt ans. Car cet écrivain à l’allure d’éternel jeune homme construit une œuvre délicate et ambitieuse depuis son premier recueil de nouvelles, Le Nom des coquillages, jusqu’à l’ample et virtuose Cité des nuages et des oiseaux, soutenue par son éditeur français Francis Geffard depuis ses débuts, et récompensée aujourd’hui. Membre du jury et laudateur du soir, le directeur de la librairie Millepages, Pascal Thuot a justement souligné la cohérence des livres de Doerr, qui nous mènent au plus bas de l’existence humaine, et y dénichent une lumière. En adoptant en effet ce mouvement rédempteur, très américain, l’œuvre de Doerr puise sa force dans la richesse de ses personnages, et des destins qu’il narre. Il mêle ainsi la candeur du conteur, et la puissance du romancier contemporain. L’écrivain peut se mettre avec la même facilité dans la peau d’un résistant français à Saint-Malo en 1942, ( le très beau Toute la lumière que nous ne pouvons voir, prix Pulitzer 2015) ou d’enfants de Constantinople et d’ailleurs, dans le dernier Cité des nuages et des oiseaux. Philippe Chevilley, directeur des pages culturelles des échos et autre laudateur de la soirée d’hier, a souligné la maîtrise du livre. En effet, l’écrivain réussit par une structure impeccable et complexe, à nous mener dans une tourbillonnante épopée contemporaine, fondée sur un leitmotiv, le livre, La Cité des nuages et des oiseaux, écrit soi-disant par Diogène. Et en inventant ce manuscrit antique, l’auteur jubile, dosant savamment son érudition, à jouer avec les codes de la littérature antique. Anthony Doerr, maître en fiction, réussit à nouer les intrigues les plus contemporaines, le livre s’ouvre dans un vaisseau spatial, et les plus archaïques, le Constantinople du XVIe siècle, sans jamais perdre le fil de son idée forte : le péril qui menace la culture universelle, et la nécessité de la protéger de toutes les manières possibles. « Ce livre, a-t-il expliqué visiblement ému lors de la remise du prix, « je l’ai écrit pour rendre hommage à tous ceux qui veulent transmettre la littérature et la font vivre ». Il a évoqué notamment les traducteurs. Il a achevé son discours sur une citation originale, celle d’un bibliothécaire américain en 1969 qui cherchait à définir ce qu’avaient pu ressentir les premiers hommes sur la lune, lorsqu’ils aperçurent pour la première fois la minuscule planète terre, baignant « dans sa solitude », et traversée par les hommes en tous sens. « J’ai voulu écrire avec cette image en tête » a conclu Anthony Doerr. Un universaliste, sans nul doute que ce lauréat du Grand Prix de Littérature américaine.