L’exposition que consacre le Centre Pompidou à l’artiste suisse Christian Marclay, déploie une création où images et sonorités résonnent tout en échos et affinités.
Le disque vinyle pourrait être son emblème. Le 33-tours, son attribut distinctif. Mais en bon iconoclaste pétri de culture punk, Christian Marclay (né en 1955), les malmène, les raye et les morcelle. Dans les années 80, l’artiste alors performateur, adepte du scratching, s’en servait dans ses concerts : « je les transformais, les découpais, altérais leurs surfaces afin de produire de nouveaux sons ». Et dans ses toutes premières œuvres – les Recycled Records – il en assemble les morceaux brisés, composant alors de nouvelles configurations faisant signe vers l’art abstrait. À la même époque, Marclay remanie pareillement les pochettes d’albums, développant alors un art combinatoire, le plus souvent jubilatoire, où sont requis les principes de montage, de collage et d’assemblage, soit toutes les pratiques issues des avant-gardes historiques. Depuis, il les a appliqués à toutes sortes d’objets issus de la pop culture, façonnant ainsi une production multiple dont l’exposition s’emploie à retrouver l’unité. Son œuvre s’est ainsi étendue à tous les registres des arts visuels, à commencer par la sculpture. Ainsi, par l’empilement d’une centaine de 33-tours, l’artiste érige comme une colonne tournée vers l’infini, rendant par la même occasion hommage à Brancusi. Depuis 1995, le cinéma et l’image animée lui offrent également un répertoire dans lequel puiser. À partir de multiples extraits de films hollywoodiens, parfois plus de 700, Marclay façonne une scène imaginaire et hypnotique car empreinte de continuité, agencée sous le prisme singulier de la boucle, où les principes de rythme et de variation ont tout le loisir de s’épanouir. C’est d’ailleurs en 2011qu’il reçoit le prestigieux Lion d’or à Venise pour The Clock, laquelle va jusqu’à même servir de véritable synecdoque à son œuvre…Ici, dans Video Quartet, les séquences montrent des personnages chantant ou jouant d’un instrument, tandis que tout dernièrement, Doors rapporte de manière virtuose des passages où apparaît une porte s’ouvrant ou se fermant. Mais surtout, la dialectique suscitée visuellement par l’art de Marclay n’est pas sans soulever le paradoxe esthétique de l’audition et de la sonorité, lesquelles ne peuvent se penser qu’en rapport à leur contraire, à savoir le silence. L’artiste explore ainsi le potentiel sonore de l’image : exploitant les formes figurées d’une bouche, d’un cri, il détourne par ailleurs les onomatopées prélevées dans les bandes dessinées et mangas japonais. Avec Surround Sounds, il les remixe dans une installation vidéo ordonnée comme une symphonie stroboscopique de bruits illustrés. Marclay sculpte également la matière acoustique de manière inusitée, tricotant ainsi la bande magnétique de l’ensemble des albums des Beatles pour façonner un oreiller. Jouant sur la rencontre de techniques d’enregistrement obsolètes, il recueille aussi l’empreinte de cassettes audio sur de grands cyanotypes dont les résonances bleues et sourdes semblent aquatiques…Car le monde, selon Marclay, n’est autre qu’une partition qu’il convient d’interpréter.
Christian Marclay, Centre Pompidou. Jusqu’au 27 février www.centrepompidou.fr