Ben Glassberg, directeur musical de l’Opéra de Rouen, s’apprête à y diriger Le Songe d’une nuit d’été de Britten dans la production légendaire de Robert Carsen.
Il n’était pas prédestiné à devenir chef d’orchestre, mais il a eu une révélation en écoutant Philippe Jordan diriger la Symphonie N°5 de Mahler à Londres. Non, ce n’est pas une blague. Ben Glassberg, qui jouait piano et percussions dans son Essex natal, était âgé de 12 ans, et n’avait jamais vu un si grand orchestre, de surcroît, sur la scène du Royal Festival Hall. « Puis vers 15, 16 ans, j’ai entendu Katia Kabanova de Janáček
et j’ai dit à mes parents que je serai chef d’opéra… » raconte-t-il depuis l’Angleterre où il réside avec son épouse et leurs enfants.
J’espère que votre modèle de chef lyrique était plus convaincant…
Ce fut et reste Mark Wigglesworth, pour sa compréhension du drame, de la scène. On sent qu’il aime les chanteurs, travailler avec eux, respirer avec eux. Je ne connaissais rien à l’opéra, quand je l’ai entendu la première fois, mais j’ai ressenti cette passion. Même dans la symphonie la plus abstraite, j’aime que l’on raconte une histoire, que l’on théâtralise le discours.
Quels sont vos trois opéras favoris ?
La Petite renarde rusée, pour la prosodie tchèque, l’évidence émotionnelle, l’originalité des couleurs orchestrales, la thématique cruelle et poétique, le caractère à la fois déconcertant et accessible du langage de Janáček. En deux, je mettrais La Clémence de Titus, pas seulement parce qu’on l’a donnée à Rouen et enregistrée pour Alpha Classics, mais parce que c’est mon opéra de Mozart favori, bien supérieur en termes d’investigation psychologique que La Flûte enchantée. Personne ne comprend et n’exprime l’âme humaine comme Mozart, même ses récitatifs sont d’une profondeur psychologique inouïe. En troisième position, ça change tout le temps, Peter Grimes, Le Tour d’écrou…
Vous n’avez pas oublié Puccini au passage ?
Bien sûr, La Bohême est d’une perfection absolue et le Falstaffde Verdi aussi. L’été dernier, je suis tombé amoureux du Don Pasquale de Donizetti…
Le Songe d’une nuit d’été est un chef-d’œuvre mais pas autant que Le Tour d’écrou, Peter Grimes ou Mort à Venise…
Je suis d’accord mais, avec Le Songe, Britten réussit à rendre une pièce géniale de Shakespeare encore meilleure, en coupant beaucoup. Plus de premier acte dans la cour, on entre directement dans la forêt, dont il suggère le caractère féérique avec un célesta et deux harpes. Il exalte également le texte et sa dimension humoristique par la musique. Depuis Purcell, il n’y avait plus eu de compositeur lyrique de cette envergure en Angleterre. Le fait que Britten vivait avec le ténor Peter Pears explique sans doute qu’il ait livré ses meilleures compositions pour la voix. Je tenais à offrir à Rouen la légendaire production de Robert Carsen, que j’avais vue à l’English National Opera, pour sa beauté et son intelligence, avec son lit volant qui mute en permanence. Dans un lit, on peut dormir, rêver ou faire l’amour, et ce jeu permanent entre fiction et réalité, qu’a réussi Carsen, rend la pièce littéralement palpitante.
Le Songe d’une nuit d’été de Benjamin Britten. Dir. Ben Glassberg. Mise en scène Robert Carsen. Du 27 au 31 janvier à l’Opéra de Rouen Normandie.