L’inventive et éclectique Jeanne Candel présente sa nouvelle création, Baùbo – de l’art de n’être pas mort, au théâtre de l’Aquarium dans le cadre du festival Bruit. Théâtre et festival qu’elle co-dirige.
Peut-on dire que Baùbo, votre nouvelle création, parle de la passion amoureuse ?
Oui. Tout part de là. Et donc de ce que cela comporte de tragique et de joyeux. Parce qu’il y a les deux. C’est un grand mélange. La première partie du spectacle évoque l’histoire d’une femme qui vient de vivre un amour tellement dévastateur que cela continue de la hanter. Elle essaie de s’en dégager, mais des images et des sensations très fortes la poursuivent. Cela passe par son inconscient, par son corps.
Il y a aussi cette figure de la mythologie grecque, Baùbo, qui donne son nom au spectacle. À quel niveau intervient-elle ?
Elle n’intervient pas à proprement parler. Elle est plutôt là comme un guide qui agirait de façon de sous-jacente. J’aime beaucoup l’histoire de cette prêtresse d’Eleusis. Pour sortir Déméter de sa prostration à la suite du décès sa fille, Perséphone, Baùbo soulève sa jupe et lui montre son sexe. Face à ce geste obscène, Déméter éclate de rire. Ce choc salutaire lui redonne goût à la vie. Pour moi son geste est l’équivalent d’un acte créateur. Je crois que la création artistique a ce pouvoir de réveiller, de stimuler des forces qui sont en nous, mais auxquelles nous ne prêtons pas attention. C’est de l’ordre de la renaissance ou de la métamorphose.
Dans votre travail, vous partez souvent d’images, de visions, un peu comme des tableaux vivants. D’où viennent ces images ?
Je fais part à l’équipe de mes rêveries, un peu comme des hypothèses de travail et par le biais de recherches en commun quelque chose se construit qui a à voir avec notre inconscient collectif. Cette façon de travailler vient de mon expérience lors de stages avec Krystian Lupa. Il nous demandait de mettre par écrit nos monologues intérieurs, tous ces mots qui nous traversent dans une sorte de magma informe. C’est une langue à la fois cruelle, pornographique, primitive, pas du tout littéraire. Se plonger dans ce chaos intérieur est pour moi quelque chose de très fécond. En pratiquant cet exercice, je produis des visions, des images ; que j’ai ensuite intégrées dans le spectacle. Donc je partage ça avec les acteurs.
La musique occupe une place importante dans vos créations. Notamment pour ce spectacle des œuvres de Schutz ou Buxtehude…
Je n’imagine pas créer un spectacle sans y faire intervenir des musiciens. J’aime quand on ne distingue plus dans un spectacle ce qui relève du théâtre ou de la musique. Dans Baùbo, après une première partie plus classiquement dramatique, on bascule dans autre chose où musique et actions très imagées s’entremêlent, traversées par les interventions de Pauline Leroy qui chante avec une voix de velours.
Cet éclectisme, ces passerelles entre les disciplines, on le retrouve dans le festival Bruit. C’est un choix volontaire ?
Oui, c’est le sens de notre projet au théâtre de l’Aquarium, dont la mission est d’accueillir des résidences de créations où théâtre et musique s’enchevêtrent. Ce qui nous intéresse, c’est de voir comment se forme une communauté à travers des rencontres entre artistes qui ne se connaissaient pas forcément et qui parfois finissent par réaliser des créations en commun.
Baùbo – l’art de n’être pas mort, de et par Jeanne Candel, du 8 au 19 février au théâtre de l’Aquarium avec le théâtre de la Ville.
Festival Bruit, au théâtre de l’Aquarium, (Paris 12), du 20 janvier au 19 février. Plus d’infos sur www.theatredelaquarium.net