Réunissant plus de cinquante pièces majeures, l’exposition de la Galerie Le Minotaure consacrée à César Domela revient sur le parcours exemplaire de ce maître du relief.
« La calligraphie m’a complètement libéré de Mondrian » affirmait l’artiste néerlandais César Domela (1900-1992) dont l’œuvre déployée tout au long du siècle dernier semble résumer les recherches et expérimentations d’un art engagé sur les voies de l’abstraction. C’est en parfait autodidacte que Domela décide en effet de se consacrer à l’art en 1919 après la mort de son père, célèbre fondateur du socialisme néerlandais. Dès le début des années vingt, sa peinture s’attache à dégager les structures géométriques de la réalité avant d’épouser la clarté et l’équilibre de l’orthogonalité souhaité par Mondrian et Van Doesburg dont il fait la connaissance à Paris en 1924. Mais très vite, il transgresse la règle de la rigueur orthogonale néoplastique en faisant basculer la composition à l’oblique. Surtout, par-delà la diagonale, ses œuvres prennent un tour plus sculptural où la densité s’exprime dans le plan de la seconde dimension qu’offre le relief : moins contraintes, les formes se développent désormais plus volontiers au travers de courbes et de volutes à la musicalité certaine. Ses pièces de facture abstraite, réalisées dans une veine tout à la fois géométrique et organique, laissent alors libre cours à des motifs puisés dans sa connaissance et sa passion pour la pensée et l’esthétique orientales. Car son parcours témoigne d’un cheminement éclectique tant sa pratique s’affirme dans le puissant axe géographique et culturel élaboré autour des villes de Paris et de Berlin. En 1929, installé dans la capitale allemande, il confronte à la peinture des matériaux divers – bois, cuivre, laiton, plexiglas et verre, jouant ainsi sur les transparences de plans selon un esprit constructiviste résolument matérialiste. Posté aux avant-gardes et côtoyant de nombreux artistes influents, citons Laszlo Moholy-Nagy, Alexander Rodtchenko, Raoul Hausmann, Naum Gabo, Kurt Schwitters- Domela investit également le photomontage et la typographie.
De retour à Paris en 1933, il contribue à toutes les manifestations de l’art abstrait, en particulier Cercle et Carré, groupe réuni autour de Michel Seuphor, lequel tente d’unifier sous le drapeau de la modernité les diverses tendances de l’abstraction géométrique. Puis vient le temps d’Abstraction-Création et de la revue multilingue Plastique, fondée en 1937 avec Sophie Tauber et Hans Arp. En février 1944, il expose à la galerie Jeanne Bucher notamment à côté de Nicolas de Staël et de Wassily Kandinsky. Ses innovations sur les voies de la non-figuration sont nombreuses et Domela n’hésite alors pas à introduire des matériaux inattendus d’origine naturelle – peau de requin, écailles de tortue, daim – lesquelles confèrent à ses réalisations une charge tactile et sensuelle. Dès lors, il ne cesse d’exalter les ressources de la courbe dans des reliefs de plus en plus raffinés, auxquels il donne au début des années cinquante des dimensions monumentales : cercles et circonvolutions jouent alors une partition où s’exprime toute la force féconde de la matière.
Exposition César Domela à la galerie Le Minotaure, du 4 février au 29 avril 2023 www.galerieleminotaure.net