Mathilde Rosier présente à la Fondation Ricard un large ensemble d’œuvres, dans lequel s’expriment l’élan vital naturel et la possibilité d’un apaisement de nos relations avec nos environnements. 

Des êtres mi humains mi-végétaux flottent dans un espace immatériel et atemporel aux couleurs pastel ou dansent au-dessus de la sombre côte napolitaine. Les lignes géométriques tracées par les machines agricoles à perte de vue deviennent des paysages quasi abstraits. Les œuvres picturales de  Mathilde Rosier, succession de glacis à la manière des peintres de la Renaissance, vibrent. Elles rejouent les transparences du paysage, les miroitements du soleil dans le lac. L’artiste installée dans un territoire agraire en Bourgogne puise dans son environnement immédiat. Elle y collecte les couleurs et les formes pour raconter la relation, réelle ou souhaitée, de l’homme à la nature. Au-delà de la beauté, elle rend visible ce qui ne l’est pas et qui peuple nos imaginaires écrirait l’anthropologue Philippe Descola : les champs d’énergies omniprésents, les circulations des fluides à l’origine de la vie. Irriguées par le thème de la danse, ses œuvres superposent des réalités tangibles et symboliques. « La danse est l’expression de la joie, d’un élan vital. Tout dans l’univers danse, une plante qui pousse, les planètes… Les premiers hommes dansaient à l’occasion de rituels pour manifester leurs liens avec le reste du monde. De nos jours, le rituel permet d’échapper à la logique productiviste. » 

   L’art de Mathilde Rosier, s’il est écologiquement engagé, a cela de puissant qu’il joue avec les nuances. Le titre de l’exposition, Dans les champs d’intensive prospérité, annonce cette ambivalence, entre foisonnement paradisiaque et exploitation. Tout comme le titre et le récit de la vidéo Le massacre du Printemps, hommage au chorégraphe Valsav Nijinski qui s’inspira des danses agraires russes enracinées dans la terre plutôt que de tenter d’échapper à la gravitéDes êtres humains à tête de blé ou de coquillage y habitent et communiquent avec un paysage « qui a une très grande beauté cinématographique mais qui a été pollué par l’activité industrielle ». Lorsqu’elle dessine un soleil, elle en révèle la force vitale mais aussi destructrice, selon le contexte. L’artiste ne fantasme pas non plus un paradis perdu ou une manière de vivre « exotique ». « Je pars d’un constat assez alarmant, celui de notre rapport au vivant, que je transfigure. Je fais un travail de soin et j’apporte une sorte d’espoir. » Depuis plus de quinze ans, son regard optimiste représente des corps libérés, une nature qui se reconstruit, telles les souches d’arbres qui revivent malgré la violence subie par la coupe. Elle représente l’entrelacement des règnes vivants et non vivants, à l’image de sa « plus grande source d’inspiration, l’art médiéval et de la première renaissance italienne qui associe l’activité terrestre et céleste. L’homme n’avait alors aucune possibilité d’agir sur le monde. Il se sentait le jouet de forces plus puissantes. On retrouve cela de nos jours. » Mathilde Rosier incite à se reconnecter au corps pour se sentir exister, ce qui est pour elle la base de nos problèmes écologiques. Alors on danse ? 

Mathilde Rosier, Dans les champs d’intensive prospérité. Fondation Ricard. Du 16 mai au 15 juillet. fondation-pernod-ricard.com