Un prodigieuse intuition des profondeurs servie par le soin des grandes patiences : la peinture du Japonais Daiya Yamamoto rappelle que l’émerveillement, en art, est un métier. Superbe.
Il y a d’abord le parti pris de dépouillement que décèlent les fonds réduits à l’uniformité d’une teinte blanche. Puis c’est cette application qui n’est pas seulement celle d’une couleur mais aussi l’assurance confondante d’une main savante (tout y est, comme un méticuleux répondant du réel : la moindre bifurcation d’une tige, l’exacte modulation de l’éclat d’une baie). Cette application, encore, qui est celle de la tension d’un esprit tout entier dirigé vers la fin qu’il s’est proposée : restituer, après l’avoir découpé et abstrait du tissu enchevêtré du réel, un élément de celui-ci – en l’occurrence, et dans la majeure partie des tableaux du Japonais Daiya Yamamoto rassemblés à la faveur de cette exposition, il s’agit d’emprunts au règne végétal, les noms des plantes faisant eux-mêmes les frais d’un comparable processus d’extraction puisque arrachés à la taxinomie de la botanique, les voilà promus en titres d’œuvres.
On se leurrerait toutefois – mais quel beau leurre, comme il est bien apprêté, comme on s’y laisse volontairement prendre! – en supposant Daiya Yamamoto captif des seuls prestiges de la surface des choses et des êtres. Sa peinture, si elle la caresse cette surface d’une main d’amant et de praticien, d’une main amoureuse et scrupuleuse, elle sait aussi l’ouvrir. Oh, point d’incisions ici, point de ces violences de médecins légistes, de ces privautés brutales de bouchers-charcutiers que d’aucuns ont infligées par le passé aux choses, les décomposant, les disloquant ou liquéfiant leur texture – rien chez Yamamoto de l’héritage d’une modernité agressive.
Et c’est justement cette conformité qui n’est pas un conformisme, cette loyauté au modèle extérieur qui, paradoxalement et magistralement, s’affranchit de ce dernier. L’éclat singulier que prennent ces plantes isolées, ce dessin d’une rigueur infaillible, les étranges juxtapositions qui, à mesure que défilent les tableaux dans la succession de l’accrochage, s’établissent : il y a là quelque chose de magrittien, quelque chose de l’insolite consistance visuelle du spectacle intime des rêves.
Exposition Daiya Yamamoto, galerie Taménaga, jusqu’au 1er juillet