C’était une des très belles propositions des festivals Moviment et ManiFeste à Beaubourg, Holding Present de la chorégraphe belge Ula Sickle et de l’ensemble belge Ictus nous plonge dans une réflexion sur mouvement et politique.
Lutter contre les éléments. Affronter physiquement les forces invisibles et prégnantes de l’existence. Sans doute est-ce là ce qu’Holding Present, à la croisée de la danse et de la performance, donne à voir en premier lieu : huit interprètes, danseurs et musiciens, s’ébattent contre les vagues, « the waves » répète en leitmotiv l’une d’entre eux. Le maître mot de la scénographie Holding present pourrait être sobriété : nous sommes dans le lieu du festival Moviment, espace du musée Beaubourg de la galerie 3 qui accueille la lumière, assis tout autour des danseurs, dans une atmosphère tout à fait à propos pour ce spectacle poétique et abstrait qui voient des corps en lutte. Car nous comprenons peu à peu que ce spectacle sera à l’image de ce que prône le festival Moviment depuis plusieurs semaines, et à travers des dizaines de propositions de musique, performances, installations, projections : « bousculer les représentations traditionnelles de l’art », dans le lieu de la métamorphose. Or que sont ces courants continus qui dictent à la fois le rythme du corps, de la musique, et des silences ? Puissances contraires, humaines ou temporelles. Peut-être ce « présent » du titre qui ne se laisse cerner ni rejoindre. Bataille d’un individu contre « les multitudes » tel qu’il est expliqué dans un texte qui accompagne le spectacle et qui en souligne la dimension politique. Ula Sickle, artiste d’origine canado-polonaise qui vit et travaille à Bruxelles, travaille depuis longtemps entre art visuel, danse et musique, nous menant dans ce lieu incertain où le corps trouve son langage. Ici, celui de la résistance : créant un lien avec les mouvements tels qu’Occupy Wall Street, la compagnie cherche à montrer comment « un geste individuel peut devenir un acte collectif puissant ». Mais le politique n’est pas ici énoncé, et c’est là toute la force du spectacle : il est l’inspiration, la secrète mise mouvements. Ainsi danseurs et musiciens passent des instruments à la danse, dans une fluidité qui est en elle-même une pensée politique. Et on n’oublie jamais, au cours d’Holding present, sa connaissance profonde de la danse contemporaine : Ula Sickle qui est passée notamment par l’école P.A.R.T.S de Keersmaeker parvient à orchestrer des solos et des ensembles chorégraphiques d’une maîtrise saisissante. Mais un mot sur la musique : l’ensemble bruxellois Ictus joue sur des sonorités délicates, électroniques ou archaïques, (jusqu’au claquement de pierres). La musique se transforme au gré du spectacle selon les différents compositeurs qui sont interprétés : on retient le concerto pour triangle d’Alvin Lucier qui au début du spectacle donne le ton de l’ensemble, son mystère continu, mais aussi, plus tard, la pièce ample de la compositrice turque Didem Coskunseven qui permet de créer des moments collectifs, de très beaux tableaux chorégraphiques. Holding present est un spectacle qui de bout en bout garde sa part d’indéchiffrable. On en est tour à tour désarçonné et fasciné. Sans nul doute une proposition forte.
Festival Moviment à Beaubourg, jusqu’au 14 juillet. www.centrepompidou.fr
ManiFeste, l’IRCAM, jusqu’au 1er juillet. https://manifeste.ircam.fr