Une journée dans la vie du génie catalan, entre la sortie de son merveilleux autoportrait littéraire, De la vida mia au Mercure de France (Prix Transfuge du meilleur livre d’art), et la mise en place de sa grotte venue de Majorque, installée dans le parc du château de Chaumont-sur-Loire. Embarquement immédiat pour le rêve, la folie et la passion faite homme.
Paris, début janvier, Librairie Gallimard. La nuit est tombée sur le boulevard Raspail pétrifié par le froid que viennent réveiller quelques ombres hâtées. Nous attendons Miquel Barceló qui doit venir présenter et signer De la vida mía, son merveilleux autoportrait littéraire tout juste imprimé. Un ouvrage du à la persévérance de l’éditrice Colette Fellous tenant bon depuis une vingtaine d’années pour faire aboutir le projet. « L’artiste n’était pas prêt », me dit-elle, à moins que les décennies supplémentaires aient dans l’esprit de celui-ci donné plus de poids à cette traversée des âges en images et en mots. Dans la foule, le pianiste Alain Planes, le sculpteur brésilien Jaildo Marinho, le compositeur Alexandre Desplats, Dominique Modiano et sa fille, Marie. D’autres têtes aussi, déjà aperçues çà et là, le jour ou la nuit. Un condensé des connaissances (très étendues) de l’artiste majorquin. Soudain, une mauvaise nouvelle : Barceló a reçu une pièce de son chevalet sur le crâne. Pompiers. Urgences et défection du signataire. Le lendemain, dans la voiture qui nous emmène à Chaumont-sur-Loire sur le chantier d’installation d’une nouvelle réalisation, l’artiste me montre sur son téléphone son visage de la veille ruisselant de sang. « On dirait une peinture du Christ », me hasardé-je, ce à quoi le convalescent me répond : « Alors une mauvaise représentation ! Au début, une seule perle de sang sur le front de Jésus suffisait à signifier la blessure due à la couronne d’épines, puis quand de moins bons peintres se sont mis à représenter la Passion, ceux-ci cachaient leur faiblesse de représentation du visage par l’ajout immodéré d’hémoglobine. » Tout Barceló tient dans cette saillie, d’où partant d’un petit événement personnel, certes douloureux, surgit l’envolée d’une pensée toujours en mouvement où se conjuguent regard pointu et culture addictive chez ce boulimique de lectures.
Nous voici maintenant dans le parc du château de Chaumont-sur-Loire où l’œuvre monumentale de l’artiste a atterri après avoir traversé la Méditerranée en bateau puis l’Espagne et une partie de la France à bord d’un convoi exceptionnel. La Grotte Chaumont, comme il l’a baptisée en hommage à la grotte Chauvet et qui sera inaugurée début mars, ressemble à un piranha géant, la bouche grande ouverte laissant apparaître des dents menaçantes cependant qu’à l’intérieur se déploient des motifs évoquant la pureté et la beauté des peintures pariétales. Imaginons : il y a des millions d’années, l’eau s’est retirée mais le monstre est resté, solidifié à l’état de caverne. Les hommes du néolithique ont occupé plus tard l’espace et commencé à dessiner à l’intérieur pour marquer leur présence. Cela s’achève par l’ajout de deux yeux bleus très contemporains. La grotte Chaumont signe l’avenir de l’art contemporain avec l’histoire du passé.
L’article complet est à retrouvé dans le N°175 disponible en version numérique et disponible en kiosque et librairie