Le musée des Arts Décoratifs consacre une grande exposition à la styliste néerlandaise Iris van Herpen dont les créations révolutionnent l’univers de la mode.
En 2010, le milieu de la mode connaît une petite révolution lorsque Iris van Herpen présente sa première robe entièrement imprimée en 3D. Sa collection, sous le terme Crystallization, évoque alors les métamorphoses multiples qu’elle aime appliquer à la matière. La jeune styliste vient de transgresser les frontières traditionnelles de la mode et les stars du showbiz ne tardent pas à s’emparer de ses vêtements anticonformistes pour les exhiber sur les tapis rouges du monde entier. Avec Jennifer Lopez, Björk, Scarlett Johansson, Beyoncé ou Lady Gaga en ambassadrices, chaque apparition de ses toilettes sculpturales alliant artisanat et nouvelles technologies fait sensation. L’univers merveilleux d’Iris van Herpen s’appréhende en effet comme un voyage interstellaire où les mutants sont des créatures textiles en mouvement. Formée auprès du styliste Alexander McQueen et de la designeuse textile Claudy Jongstra, la jeune créatrice de 39 ans a fondé sa propre maison de couture en 2007. Elle y confectionne des vêtements à la frontière de la sculpture et de la haute couture qui explorent la complexité anatomique du corps humain et les mutations du vivant. Leurs finitions sont si sophistiquées que ces créations en deviennent de véritables microarchitectures, telle la robe Cathedral inspirée des monuments gothiques, réalisée en polyamides imprimés en 3D dont la finition à l’aspect du bois ciré ou encore la robe Skeleton – aujourd’hui conservée au Metropolitan Museum of Art de New York – faite de nylon imprimé en 3D qui épouse le corps d’une carapace osseuse couleur ivoire. D’autres innovations, plus fluides, mêlant l’organza de verre, le silicone, le tulle, le crêpe découpé au laser, l’acier inoxydable ou le PetG, semblent des sirènes, des papillons ou des coquillages nacrés tout juste sortis de l’océan.
L’exposition retrace cette jeune carrière hors-norme et révèle une érudition passionnante. Les inspirations d’Iris van Herpen s’échelonnent en effet de l’art contemporain aux sciences naturelles sans hiérarchie. Ainsi, en écho à ses imaginations textiles, on découvre les coraux de papier de l’artiste Rogan Brown, le nautile d’acier de Wim Delvoye, les dentelles de fibres végétales de Marinette Cueco mais aussi les planches inventoriant les organismes marins du biologiste allemand du 19e siècle Ernst Haeckel ou des naturalia issus de la maison Deyrolle. Cette exposition fait un bien fou car elle remet au centre du jeu le don de la création, de l’originalité et de l’innovation et célèbre le beau et l’esthétisme sans tabous. Dans les salles, une cohorte de jeunes gens se presse devant chaque robe, accrochés à leurs smartphones sur lesquels ils collectionnent les clichés, sous toutes les coutures, des ovnis textiles d’Iris van Herpen, qui vont bientôt inonder leur fil Instagram. Aucun doute, on est ici dans le temple du futur de la mode.
Iris van Herpen, Sculpting the senses, jusqu’au 28 avril 2024, musée des Arts Décoratifs