Visite de la 4e édition de la Biennale NOVA-XX, 100% féminine, en compagnie de la joyeusement déjantée Stéphanie Pécourt, directrice du Centre Wallonie Bruxelles. Un évènement foisonnant pour explorer les futurs possibles.
Imaginer d’autres formes, d’autres usages, d’autres relations, d’autres mondes possibles. Penser la relation de l’humain à son environnement, aux artefacts, aux progrès, aux mondes numériques. Pour sa 4e édition, la Biennale NOVA_XX 100% féminine du Centre Wallonie Bruxelles (CWB) à Paris invite des artistes talentueuses et généreuses à essaimer des formes et des pensées décalées, ingénieuses, poétiques et prospectives. Elle se déploie sous la forme d’une exposition d’installations, de performances et de vidéo d’artistes au vaisseau mère, le CWB récemment réouvert. Elle se propage dans d’autres lieux du Grand Paris et à Marseille, dont une soirée de performance au Générateur à Gentilly. Des conférences sont organisées avec l’Université Paris 8 et la Canberra University. Même le cyberespace est investi par la *DUUU Radio. La biennale prend vie grâce aux multiples collaborations qui permettent d’expérimenter le rôle du collectif dans la révolte. Dans tous les lieux, cette même ambition, penser la société contemporaine, les actions, la présence humaine et donner formes à ces idées pour les partager. Certaines inventent des écosystèmes et les regardent évoluer. D’autres partagent des récits intimes. Une sculpture se parle. Une porte monumentale au milieu de la cour invite à passer son seuil pour découvrir un autre monde ? Des performeurs évoluent entre les œuvres, habitent les lieux. Le réel s’entremêle avec le fictif pour bousculer les repères. La Biennale NOVA_XX est un élan vital vers la création de nouveaux imaginaires. Explications avec sa fondatrice et directrice du CWB, la joyeusement déjantée et totalement passionnée Stéphanie Pécourt.
Vous avez rédigé un manifeste pour la biennale. Qui dit manifeste, dit combat. Quel est celui de la biennale ?
Une exposition est en soi une expérience de formulation d’une pensée et celle qui constitue le cœur du NOVA_XX entend être une pensée de résistance à l’épistémicide, comme à l’écocide – une invitation écosophique à aller à la rencontre de projets qui questionnent nos savoirs et de facto nos pouvoirs. La Biennale Plurivers & Contingence est le règne du multiple, du divers, des entités et pensées aliens. C’est aussi le règne d’une expérience qui se veut esthétique, que « je perçois par les sens ». Ce type d’exposition positionne le Centre à l’endroit d’une vocation expérientielle en lieu et place de celle prescriptrice. Le manifeste de la Biennale entend également blasonner des « profils » d’artistes comme ceux d’artistes chercheuses, d’artistes activistes, d’artistes engagées.
Quels sont les fils conducteurs qui relient les 19 artistes invitées dans l’exposition ?
On peut tracer des « familiarités » selon plusieurs typologies de propositions. Il y a celles qui portent sur les « savoirs & herméneutiques ». L’installation immersive de Laura Cinti porte sur l’enjeu du déclin continu de la biodiversité́ et ouvre une perspective multidimensionnelle sur la conservation. (NDLR : L’œuvre vidéo mapping AI In The Sky, entre sciences et art, s’empare des IA pour retrouver la trace d’une plante femme disparue dans la forêt de Ngoye en Afrique du Sud). Le Blobarium de Louise Charlier se nourrit de récentes recherches d’éthologie en abordant la question des rapports entre humains et non-humains et pose l’enjeu de rencontres extraterrestres. Il y a celles de nature « spéculatives & fictionnelles ». La vidéo expérimentale de Gala Hernandez aborde les liens entre la culture crypto et la cryogénie en tant que deux technologies spéculatives pour lesquelles l’avenir devient une ressource économique à exploiter.
Il y a celles de nature « métaphorique, parabolique ». L’installation The World de Yue Chang explore les thèmes de l’archéologie marine, de l’effondrement industriel et de la reprise de la vie marine préhistorique sous une perspective futuriste. Le diorama d’Eve-Gabriel Chabanon donne à voir un corps collectif qui pose la question des corps en mutation et des habitats. De nombreux enjeux sont abordés au travers de toutes ces installations.
Comment avez-vous pensé la scénographie de cette exposition ?
Je voulais véritablement placer les spectateurs dans un espace autre que celui souvent sanctuarisé des expositions. Je tenais à ce que ses repères soient contrariés, bousculés. Les espaces de cette exposition sont pour partie miroités, jouant la sensation de duplication et dotés d’une lumière particulière comme d’une odeur conçue par Céline Jiang alias Bijou Magique et les créateurs de parfums Ludovic & Anne-Sophie Pastour. Le défi scénographique résidait en un mot « la cohabitation », notamment celle de plusieurs aquariums qui pour certains sont des « couveuses » d’éléments comme le blob ou le mycélium. Au centre de l’exposition réside l’installation conçue par Aurelia Noudelmann, créature tentaculaire qui simule une nature invasive. Et dans la cour, l’installation Trintade d’Eva Medin mêle le vocabulaire de trucage cinématographique, à celui de la sculpture – l’œuvre déploie un monde chimérique, où la nature côtoie l’artefact. Nous avons sélectionné des visions qui nous semblaient relever de cette ambition : extraire de nouveaux mondes.
Biennale NOVA_XX Centre Wallonie Bruxelles, Paris Et une dizaine de lieux Jusqu’au 27 avril.