Border Line est le portrait d’une frontière connue comme la plus accueillante et la plus infranchissable à la fois : les USA ! Un premier film prometteur.
Tout le monde a, un jour ou l’autre, ressenti l’angoisse du départ. Le passeport oublié, une date d’expiration dépassée, les billets que l’on ne retrouve pas. Plus le voyage est long et important, plus l’inquiétude monte. Border Line commence par cette angoisse. Dans le taxi qui mène à l’aéroport, un jeune couple s’installe sur la banquette arrière et, très vite, nous comprenons que c’est un grand départ, un nouveau choix de vie. Malgré le rythme haletant du film et le frisson qui traverse les personnages, nous ne pouvons pas encore nous douter du cauchemar qu’ils vont vivre. Seule la radio à laquelle ils ne prêtent pas attention et évoquant le mur de Trump à la frontière mexicaine, met en garde le spectateur sur la lente descente aux enfers que va constituer le passage par les bureaux d’émigration américains.
Récompensée du Prix d’Interprétation au Festival Premiers Plans d’Anger, Bruna Cusí interprète Elena, jeune trentenaire ayant grandi à Barcelone, danseuse, prof et détentrice d’un miraculeux sésame qui ouvre la porte du rêve américain : la fameuse « green card » obtenue grâce à un non moins célèbre tirage au sort : « the lottery ». L’homme qui s’installe à côté d’elle pour ce voyage s’appelle Diego. Il est de quelques années son aîné et, par contre, n’est pas né à Barcelone. Il n’est pas non plus espagnol mais vénézuélien. Supposition ou réalité, la sincérité de son amour sera remise en cause par l’administration lors de leur arrivée en Amérique. Alberto Amman, l’interprète de Diego, campe un personnage dont on ne sait pas si l’inquiétude provient d’une culpabilité ou d’une peur de l’injustice. L’administration américaine peut dévorer et recracher ses candidats à l’immigration tel un grand-duc sa pelote de réjection. Contrairement à Elena, bonne européenne candide croyant pouvoir faire usage de ses droits, Diego sait quel antre du diable se cache dans les sous-sols des aéroports. Tout comme le savent très bien les deux co-réalisateurs après avoir collecté récits familiaux ou conduits des enquêtes auprès de leurs proches. La violence qui s’introduit lors de l’interrogatoire des douanes est rendue par un scénario écrit au couteau et mis en scène comme un thriller. Construit dans la plus pure tradition du cinéma contestaire des 70’s, le film est un dialogue de sourds entre l’administration et les candidats à l’« american dream ». Un étau, une après-midi de chien, qui se resserre petit à petit autour de nos héros qui n’ont pas eu la chance de naître aux USA.
Border Line, de Juan Sebastián Vásquez et Alejandro Rojas. Avec Alberto Amman, Bruna Cusí, Laura Gómez, Ben Temple. Condor distribution, sortie le 1er mai.