Rendez-vous devenu incontournable de la cinéphélie, l’Institut Lumière nous invite entre autres à redécouvrir les plus beaux films animés japonais. Décryptage.
Au début de l’été, la capitale des gaules succombera au charme cinématographique du pays du soleil levant, l’Institut Lumière consacrant les mois de juin et de juillet à une formidable rétrospective de l’animation japonaise. Pas moins de 39 films y seront alors projetés, permettant aux spectateurs et spectatrices, aux jeunes et aux moins jeunes, de découvrir ou de redécouvrir les jalons essentiels d’un genre trop souvent perçu comme monolithique et uniforme, alors que ses influences esthétiques et culturelles n’ont cessé d’évoluer avec les bouleversements techniques et les modalités de production.
Si le Serpent Blanc de Taiji Tonoyama et Taiji Yabushita, premier long-métrage d’animation japonais à introduire la couleur en 1958, lorgne encore sur le travail de Walt Disney, cette adaptation d’un conte chinois préfigure les codes qui feront la marque du Studio Ghibli et de Hayao Miyazaki, figure tutélaire indépassable : enchantement ingénu et sincère du récit, mélange constant de romantisme et de malice, fantaisies visuelles toujours ancrées dans un rapport au réel, mythologie faite de thérianthropies et de références historiques… Depuis le Château dans le ciel (1986) jusqu’à la dernière production sortie l’année dernière, Le Garçon et le Héron, les mondes flottants du studio Ghibli, non contents de nous mettre la tête dans les nuages, se sont avérés un sacré remède à l’hégémonie américaine qui pèse sur la formation des imaginaires. Miyazaki mettra d’ailleurs en scène cette lutte à distance dans le fabuleux Porco Rosso, où un cochon, pilote d’hydravion de son état, affronte un pirate de l’air yankee promis aux fastes hollywoodiens.
Les créations les plus récentes ne seront pas en reste, avec notamment The First Slam Dunk de Takehiko Inoue, dont l’animation, aussi précise que savante, entremêle avec habileté les techniques 2d et 3d pour restituer l’intensité d’un match de basket comme rarement auparavant. Le générique, dessiné au fusain, est à lui seul un hommage vibrant à la création, les protagonistes prenant matière et vie par la grâce de l’esquisse. Citons également Amer Béton de Hiroaki Ando et Michael Arias, qui font aussi reposer leur pari esthétique sur l’hybridation des techniques d’animation, au service d’une fable radicale et moderne.
Mais s’il ne fallait retenir qu’une œuvre de cette rétrospective monumentale, ce serait le toujours aussi sulfureux Belladonna of Sadness d’Eiichi Yamamoto, dont le visionnage ne laisse jamais indemne, cinquante ans après sa réalisation. Adaptation d’un texte de Jules Michelet, cette madone de la tristesse est une errance psychédélique, un chant libertaire qui flirte avec l’incantation religieuse, chaque plan venant se fondre dans le précédent pour en révéler des formes nouvelles, à la manière d’un vitrail éclairé par la lumière changeante d’un astre noir. Peut-être un des plus beaux films du monde, à ne rater sous aucun prétexte sur le grand écran de l’Institut Lumière.
Rétrospective Animé ! du mercredi 5 juin au dimanche 21 juillet 2024 à l’Institut Lumière