Au Carreau du Temple, la 4e édition de Jogging, festival du corps en action. Du marteau de Thor à un roller derby x danse urbaines. 

Au Carreau du Temple, les JO parisiens ne prennent personne au dépourvu. Depuis son ouverture en 2014, la danse, l’art contemporain et les sports se partagent les lieux. Comment expliquer autrement qu’un festival de danse s’y soit créé sous le titre de Jogging ? C’était en 2021 et bien sûr, les JO étaient déjà présents dans toutes les têtes. Mais Jogging a des racines plus profondes et plus de couleurs à offrir que celles des cinq des anneaux olympiques. Cette année encore, aucune envie de sobriété. Sandrina Martins, aux commandes et aux idées au Carreau du Temple depuis 2015, mise sur des spectacles chorégraphiques qui voient le corps en action, sans forcément penser « danse ». 

La danse, elle, parfois pense « sport ». Héla Fattoumi et Eric Lamoureux chorégraphient le football, sur fond sonore de chants de supporters, six danseuses et danseurs s’approprient et revisitent les gestes des pros du ballon rond, mais aussi les émotions sans lesquelles les matchs seraient bien fades. On y vit ensemble l’euphorie, la tragédie et sans doute un brin de satire, condensé en 45 minutes. Alors, combien de buts dans GOAL Fantaisie pour passement de jambes ? Et quid des commentateurs ? Ceux-là vont s’exprimer dans Aïe aïe aïe… c’est pas vrai de Marine Colard qui rend hommage à la musicalité des voix de ces animateurs et à ce qu’elle identifie comme une véritable transe de la parole. 

En danse, de telles envolées verbales sont inconnues. On y fait certes parfois appel à l’audiodescription pour les non-voyants qui se rendent au spectacle, mais pour se rapprocher de l’excitation du commentaire sportif, il faudrait en organiser une séance autour de Goal, ou bien pour accompagner Roll de Marta Izquierdo Muñoz. Le sujet est ici le roller derby qui a pris son essor dans les années 1970 et qui s’est confondu, à partir des années 2000, avec le mouvement LGBTQIA+. Revue et corrigée par Muñoz, cette discipline à domination féminine s’inspire ici des battles en danses urbaines, jusqu’à atteindre des états modifiés de conscience ! 

On verra aussi, lors de cette édition de Jogging, une compétition de jonglage où participent quatre champions du monde et qui seraient sans doute aussi champions olympiques si le jonglage y participait. Déjà, leur championnat suit le rythme des anneaux puisqu’il a lieu tous les quatre ans. Pour fêter tout ça, Jogging déploie les Majorettes mises en scène et chorégraphiées par Mickaël Phelippeau. Ce sont douze femmes issues de la célèbre troupe des Major’s Girls de Montpellier où la moyenne d’âge se situe autour de la soixantaine, avec une doyenne qui agite le bâton depuis 58 ans ! Chez les Major’s Girls, on prend la vie du bon côté et on participe aux championnats du monde de majorettes ! Ce n’est que depuis la création de ce spectacle ravissant, il y a un an, au festival Montpellier Danse, qu’elles abordent aussi la scène. 

Et si match il y a, ce sera sans doute entre les majorettes et Thor, le dieu du tonnerre, incarné par Alexander Vantournhout dans son solo VanThorhout. A priori, Thor se sert du bâton dans l’exaltation de la puissance musculaire et certains excès de testostérone. Mais Vantournhout ne le suit pas sur ce terrain. Il lui fait découvrir d’autres manières de penser son statut de héros que par les coups de marteau. Ça aussi se fête, soit avec les majorettes soit avec Paula Rosolen qui se laisse enthousiasmer, dans Beat by Bits, par la chute du mur de Berlin, cloison mondiale qui n’est pas tombée grâce au marteau de Thor, mais par les beats de la techno sur lesquels les danseuses et danseurs dispersent les tensions liées à la guerre froide. Mais ce qui était une réalité il y a quelques années rebascule aujourd’hui du côté de l’utopie et la fête prend des airs de revendication. Là-dessus arrive Yuval Pick, directeur du Centre chorégraphique national de Rillieux-la-Pape, qui prend lui aussi le parti de l’utopie, dans Acta est fabula, où la fête – façon 1990 concernant les musiques – passe par toutes les couleurs, costumes compris. 

Jogging, 4e édition du 26 au 30 juin 2024 au Carreau du Temple