Qu’est-ce qui, chez Gelsy Verna, qu’on découvre à la faveur de cette exposition, déclenche ce séisme intérieur, ce bouleversement aussi irréfutable que sa localisation est mal assurée (cœur ? âme ? esprit ?) ? Certes, le fil cassé net d’une vie interrompue en 2008 – elle avait à peine 46 ans – suffirait à l’ébranlement interne ; certes encore, cette œuvre qui, avec les moyens du bord, comme les pages arrachées d’un carnet de griffonnages et de bricolages géniaux, offre un condensé de l’imaginaire et de l’existence des Noirs en Amérique du Nord, touche comme du Basquiat et du Mary T. Smith (voire du Redon, si, si !). Mais l’ébranlement tient aussi à ce qu’elle semble saisir de la pensée brute, jouant librement avec les représentations (ses variations sur Martin Luther King), mêlant mots et images, comme un matériau psychique encore indéterminé, où dominent le discontinu, la multiplication l’agglomération. Son art se situe à la naissance de la pensée organisée – et par là nous touche au plus originel.
Gelsy Verna, Nostalgia Will Happen Later, galerie Loeve & Co, du 23 mai au 13 juillet