Artiste prolifique américaine, Sarah Sze continue à explorer la réalité, chaotique, vivante, plurielle. La galerie Gagosian à Paris présente ses derniers collages d’images fixes ou mouvantes de notre environnement.

Nous l’avions rencontrée à l’occasion de son exposition à la Fondation Cartier en octobre 2020. Déjà, une installation monumentale complexe visuelle et sonore investissait l’ensemble de la grande salle du rez-de-chaussée. Des images vidéo de la nature apaisée ou furieuse, associées à des mains en train de faire ou à des gros plans de matières, étaient projetées sur des morceaux de papier déchirés devenus surfaces de projection. Cette multitude était ensuite accrochée à une structure en acier, elle-même accueillant des objets comme si l’envers du décor nous était donné. Le tout semblait se mouvoir et se confronter sans cesse tout autant à l’architecture du bâtiment de Jean Nouvel qu’à la végétation du jardin et à la rumeur de la ville. 

Ses nouvelles œuvres présentées à la Galerie Gagosian prolongent sa quête de compréhension du monde. L’installation monumentale Pictures at an Exhibition investie l’espace principal de la galerie parisienne. Bribes d’images accrochées à une structure globulaire, superpositions, son art de l’assemblage révèle notre environnement visuel et intellectuel composé d’écrans successifs, d’informations glanées dans des domaines de plus en plus variés, de l’écologie à l’économie en passant par les sciences sociales et les arts. Notre société est celle du mélange, même si cela ne plaît pas à tout le monde. Et Sarah Sze, née dans une famille sino-britannique, a rapidement pris conscience de la multiplicité des perspectives et des perceptions. 

Son travail raconte aussi notre environnement, ses évènements, majeurs ou mineurs, le détail ou la vision globale, les explosions des volcans, les feux, la quiétude des vols d’oiseaux, la matière malaxée par des mains humaines. Elle relate la vie terrestre et l’activité créatrice. Un son répétitif, celui d’une pendule, marque le temps qui s’écoule. Puis, devenu rythme cardiaque, il semble donner à entendre le cœur de la terre. Pictures at an Exhibition se déploie dans une salle plongée dans le noir tandis que les reflets se répandent sur les murs et les sols. Un monde en soi, lumineux, vivant, bouillonnant, ou le microscopique rencontre le macroscopique, ou l’individuel et l’universel s’entremêlent tout autant que la peinture, la sculpture, l’architecture et la vidéo, qu’elle glane sur internet ou enregistre quotidiennement avec son téléphone portable. 

Chaque œuvre est le prolongement de la suivante. Elles se complètent, se rencontrent. Comme elles font se rencontrer les murs et les espaces, le haut et le bas, le nord et le sud, le cercle, le rectangle et la croix, le naturel et l’artefact, les vivants. À l’étage supérieur de la galerie, quatre nouvelles peintures associent des photographies, celles-là mêmes que nous avions découvertes en bas mais en mouvement, scotchées sur une matière picturale, acrylique, huile et encres, appliquée en coulures, dripping painting signifiant le rôle de l’artiste dans cette tentative de recomposition du réel. La planéité après la tridimensionnalité, la fixité après le mouvement. Les œuvres de Sarah Sze, toujours réjouissantes, joyeusement violentes racontent le flux, le chaos, la saturation d’un monde, tout autant inspirant qu’effrayant, difficile à appréhender dans sa globalité.

Sarah Sze, Pictures at an Exhibition jusqu’au 28 septembre à la Galerie Gagosian