Une extraordinaire exposition pour découvrir de l’intérieur, via ses croyances et ses dieux, la civilisation Mexica. Immanquable ! 

Le sentiment d’être tombé aux mains d’une puissance à peine concevable, et, oubliant la contemporaine Mexico qui s’est érigée sur la ville mexica, de monter, au son entêtant des tambours, au sommet du Templo Mayor de Technochtitlan, en attendant, fasciné, que le couteau sacrificiel nous fouille la poitrine – ce sentiment nous a totalement conquis à l’issue de l’exposition. Tel est l’ascendant que prennent la myriade d’objets qui, accompagnés de l’information riche et limpide propre à Branly, jalonnent et reconstituent une culture. Au sens le plus haut de l’acception. C’est-à-dire des productions artistiques, des façons de penser, de sentir, organisées en un système qui, selon une locution qui retrouve sa pleine force ici, compose une vision du monde. Celle des Mexicas qui, du XIIIe siècle jusqu’à l’affirmation de cette autre puissance, l’espagnole, en 1521, ont érigé un de ses sommets qui marquent l’histoire des civilisations. 

Certes, ma petite vision personnelle, la montée sacrificielle au rythme des tambours, n’est que l’aspect le plus spectaculaire – l’arbre qui cache la forêt – de ceux qu’avant cette maîtresse exposition je nommais encore les « Aztèques ». Mais cette rêverie a l’avantage, par l’empire qu’elle a exercé, de faire apparaître le trait distinctif des Mexicas, le mot qui leur est consubstantiel : l’empire, justement. 

Lequel s’entend, d’abord, de façon tout simplement politique : les Mexicas forment, donc, un empire mésoaméricain, son centre de gravité est la ville de Tenochtitlan, il a ses mythes, ses dirigeants, son histoire. Mais l’exposition nous fait surtout descendre plus avant dans un autre royaume, à la fois intérieur et cosmique. Intérieur car il relève, je l’ai dit, des lois de cette optique psychique et spirituelle propre à chaque peuple qui détermine ses croyances. Cosmique car, sous nos yeux, voilà que prend forme l’univers tel qu’un Mexica pouvait le voir au prisme de ses conceptions. La place me manque pour résumer cette topographie et les principes qui la régissent. Signalons seulement qu’on y trouve un étagement de niveaux (monde céleste, monde souterrain et, entre les deux, la surface terrestre) et, surtout, qu’une pensée reposant sur les antithèses et les contraires est sans cesse à l’œuvre.  

Et c’est cet empire d’une vision à la rigueur et au systématisme quasi mathématiques sur la production des objets figurés, la façon dont la variété, la méticulosité et la luxuriance plastique de ceux-ci lui obéissent, qui laissent admiratif. Voici un impressionnant escargot tout en sillons onduleux dans de l’andésite ; voici Mictlantecuhtli, dieu de la mort, arborant les chevrons de ses côtes et la monstrueuse fleur de ses organes internes ; quant à la serpentine de la plaque où apparaît le dieu de la pluie, Tlaloc, elle porte bien son nom, l’œil serpentant sans fin le long de ces denses lignes. Sans oublier la variété vertigineuse, encyclopédique, même, des offrandes destinées aux dieux ! Et cette profusion remonte à l’unité directrice, impératrice, d’une pensée… 

Mexica. Des dons et des dieux au Templo Mayor, musée du quai Branly-Jacques Chirac, jusqu’au 8 septembre 

Catalogue : Mexica. Des dons et des dieux au Templo Mayor, coédition musée du quai Branly-Jacques Chirac / El Viso, 272 p., 39€